
Lire un tableau ? « Le Christ et la femme adultère » de Nicolas Poussin

« Lisez l’histoire et le tableau » écrivait Nicolas Poussin à son ami P. Fréart de Chantelou le 28 avril 1639. Le peintre préconisait de se plonger dans ses tableaux un par un. Il faut arrêter le regard, prendre son temps, le lire. À l’occasion des 350 ans de la mort de l’artiste, le musée du Louvre organise une exposition intitulée « Poussin et Dieu ». Elle invite le spectateur à se replonger dans les œuvres du maître français à travers l’angle de ses peintures religieuses. Tentons d’appliquer les conseils du maître et de « lire » l’une d’entre elles. Les tableaux de Nicolas Poussin se lisent car ils sont souvent construits de manière diachronique. Il y a une évolution des événements dans le temps. Le peintre décompose l’histoire dans une même scène, il représente simultanément plusieurs moments. Le Christ et la femme adultère (1647) est une œuvre de la collection du musée du Louvre, peinte pour André Le Nôtre, jardinier de Louis XIV. Elle représente un passage du Nouveau Testament (Jean 8:3). La toile se déroule à la manière d’une frise antique. Si la lecture d’un livre se fait de gauche à droite, ici, le tableau de Poussin se lit en commençant par le centre.

Le passage représenté est sans aucun doute celui de la prise de parole du Christ, le moment moralisateur : « Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle ». Néanmoins, nous pouvons déjà distinguer les épisodes futurs (voir antérieurs). En effet, nous discernons l’écriture sur le sol (« Et s’étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre »), les pharisiens qui lisent et ceux qui s’éloignent déjà à gauche (« Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers »). Poussin ne représente pas seulement un moment précis mais l’épisode biblique dans son ensemble, à travers une composition parfaitement établie. Il déroule le texte biblique de façon centrifuge. L’œuvre du maître se lit également à travers ses formes et ses couleurs. L’architecture joue un rôle majeur, la diagonale de l’escalier à l’arrière-plan accentue le geste du Christ en faveur de la femme infidèle. Les couleurs ont des significations, le bleu de la tenue de la femme représente l’innocence. Le bleu n’est-il pas la couleur de la Vierge ? Syncrétisme ? Nicolas Poussin aimait donner une polysémie aux épisodes bibliques, les coupler avec la mythologie. Le peintre est aussi connu pour ses représentations des passions. Il faut observer les visages des protagonistes dans lesquels nous pouvons déceler les différents sentiments de l’âme humaine (pour cela il est possible de s’appuyer sur Les Expressions des Passions par Charles Le Brun). Chaque trait a une signification. Les formes, les couleurs, les lignes sont les mots de la peinture.

La toile de Poussin se lit également à travers les détails. La femme avec son enfant – au centre de la toile – regarde la scène. Elle n’y participe pas mais la contemple, elle indique le temps présent. Si la scène est tirée de la Bible, Nicolas Poussin l’ancre dans le quotidien. Cette frise d’événements est placée dans le réel. Les deux personnages au balcon, l’homme debout derrière le pharisien au turban, la fumée qui sort d’une cheminé sont d’autres indices de cette vie qui a lieu pendant la scène. Le caractère moral de cet épisode vieux de plus d’un millénaire continue d’être pertinent ! Si vous avez envie de lire d’autres œuvres de Nicolas Poussin vous avez jusqu’au 29 juin 2015 pour vous rendre à l’exposition « Poussin et Dieu » au musée du Louvre. Sinon vous pouvez toujours lire les ouvrages des éditions Parkstone international qui vous éclairerons sur l’œuvre du maître français.
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