
Émile Gallé, Chantre de la Nature

Tirage sur papier albuminé.
Collection particulière.
Il n’y a pas de chef-d’œuvre sans artiste, tout comme il n’y a pas d’Art appliqué sans Gallé.
Né dans une famille d’intellectuels protestants en 1846, l’existence hyper créative de l’artiste à de quoi surprendre les biographes désenchantés. À la fois ébéniste et industriel, maître verrier et théoricien, l’artiste et homme d’affaire français cultiva ses cinquante-huit années avec passions et élégance, semant à travers le monde des œuvres d’art et des pensées révolutionnaires qui changèrent le regard du monde artistique. On pourrait se demander à quelle source Émile Gallé puise toute cette énergie ; à quoi il vous répondrait :
« Ma racine est au fond des bois. »
À l’orée de son enfance, le jeune Gallé, en compagnie de son fidèle ami Victor Prouvé, développa secrètement une passion quasi extatique pour Mère Nature. Convaincu de la perfection divine de cette dernière, il se consacra corps et âme à l’étude des arbres, des plantes, des insectes et des minéraux, expliquant plus tard dans son traité philosophique que la beauté est la vérité et que la vérité est dans la nature.
Après ses années d’études en chimie, botanique et minéralogie, Gallé troqua son cartable d’étudiant contre une mallette de chef d’entreprise en reprenant l’atelier de verrerie de son père. En ces lieux, l’artiste pouvait enfin s’adonner à ses créations, en suivant scrupuleusement le conseil de Paul Gauguin : « L’artiste ne doit pas copier la nature mais prendre les éléments de la nature et créer un nouvel élément. »
À la tête de cette affaire familiale, Gallé va s’illustrer par ses qualités humaines, considérant, comme l’utopiste William Morris, que l’art résulte du plaisir de travailler. Et c’est aussi à cette période qu’il commence à appliquer ses théories artistiques et à produire des œuvres « Art déco » : il cristallise la perfection de la nature et l’utilité d’objets du quotidien, enfantant ainsi des objets d’art, souvent considérés par les puristes comme les soufflets de l’Utile à la Beauté.

Verre soufflé-modelé à plusieurs
couches, hauteur : 130 cm ; largeur :
220 cm ; profondeur : 25 cm.
Musée de l’École de Nancy, Nancy
La volonté première de l’artiste était de restituer à la Nature la place qu’elle mérite, et en parfait illusionniste, Gallé l’invite dans les appartements des citadins, décorant les intérieurs de vases libellules en verre soufflé, de lampes de table rhododendron en verre camée, ou de simulacres de plantes en tout genre. Mais on la retrouve aussi dans les ventes aux enchères, les musées et jusque dans les soirées mondaines : bien loin de la danse sensuelle d’une Dita von Teese en émoi dans une coupe de champagne, Gallé reste dans le raffinement et rhabille d’élégantes anémones les très célèbres bouteilles Perrier-Jouët.


Bien loin des meubles en kit IKEA, égérie des plus célèbres designers contemporains tels que Philippe Starck, le chantre de la nature continue de se mouvoir avec grâce dans les cervelles en émulations des artistes de nos temps.
En véritable visionnaire, Émile Gallé est devenu au design ce que la muse est au poète : l’inspiration ultime, source de toute vitalité.

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