
Sorolla, vamos à la plage
Le public se fait généralement du peintre l’image d’une âme tourmentée, d’un destin tragique, aux affres d’un esprit torturé à la Van Gogh, d’un corps supplicié telle Frida Kahlo, ou victimes de drames personnels qui inspirent à leur sensibilité les sujets les plus poignants. Le manque de reconnaissance de leurs contemporains et les railleries des critiques les condamnant à une existence miséreuse achèvent souvent de nous faire verser une larme sur ces chers incompris.
Réjouissez-vous, Joaquín Sorolla n’est pas de ces artistes maudits ! En dépit de ses débuts prometteurs de jeune orphelin ayant perdu ses parents face au choléra, sa sombre destinée ne s’accomplira pas, et il ne connut que gloire et satisfaction. Pas de quoi sortir un biopic larmoyant à la rentrée avec la musique de Philip Glass pendant les crédits de fin.

Sorolla, né en 1863 à Valence, n’a rencontré que les plus grands succès dans sa vie. Reconnu principalement pour ses scènes de vie, d’enfants jouant sur la plage sous le soleil espagnol, on le dit le meilleur peintre impressionniste d’Espagne. Il en était lui-même convaincu. S’étant formé lors de voyage aux écoles de Rome et de Paris comme il était généralement de coutume à l’époque, il retourna à Valence pour se marier, puis s’installa à Madrid où il s’adonna entièrement à une production acharnée destinée aux expositions internationales. Il reçut coup sur coup la médaille d’or de l’Exposition nationale de Madrid puis le premier prix de l’Exposition internationale de Chicago, ou encore le Grand Prix de l’Exposition Universelle de Paris en 1900… Cette dernière récompense lui valut même d’être adoubé chevalier de la Légion d’honneur. Fait membre de la Société hispanique d’Amérique de New York, il fut invité à participer à de nombreuses expositions aux États-Unis et en Europe, souvent aux côtés de son ami, le célèbre peintre américain John Singer Sargent.
Ses paysages méditerranéens et les nombreux prix qu’ils récoltèrent ne sont pas le seul témoignage de l’état de grâce que connut l’artiste pendant sa vie. Sorolla peignit le portrait de personnages non moins prestigieux que le roi Alphonse XIII d’Espagne en 1907, peinture en pied en costume de hussard, et le 27e président des États-Unis, William Howard Taft, en 1909 – un portrait où la bonhommie du modèle montre bien la convivialité des rencontres du dirigeant et de l’artiste lors de ses visites à la Maison Blanche.

Décidément comblé, Joaquín Sorolla était aussi très attaché à sa famille. De là sans doute son talent à dépeindre avec un grand réalisme des groupes d’enfants dans leurs jeux, s’ébattant librement pendant leur baignade, au bord d’une mer tranquille, scintillante de soleil. Les toiles de Sorolla sont sereines, peuplées de bonne humeur et de jeunes femmes de blanc vêtues, se promenant tout en gardant un œil attentif sur leur progéniture, tandis que dans le fond, sur la surface miroitante de la mer, des pêcheurs remontent leurs filets et tirent leur bateau sur le rivage à l’aide d’un attelage de bœufs puissants sortant de l’écume.
Si vous n’avez pas la chance d’aller à la plage en famille cet été, faites-vous plaisir et allez vous détendre à l’exposition Sorolla, un peintre espagnol à Paris au Musée des impressionnistes de Giverny, jusqu’au 6 novembre 2016. Ou bien plongez une tête dans L’Impressionnisme, Monet, Degas ou Van Gogh, chez Parkstone International.
by Capucine Panissal

Image de couverture: Courir le long de la plage, 1908. Huile sur toile, 166,5 x 90 cm. Collection privée.

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