
Les Demoiselles d’Avignon – La percée sur le cubisme
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Le Cubisme (ISBN: 9781783103652) écrit par Guillaume Apollinaire, Dorothea Eimert and Anatoli Podoksik, publié par Parkstone International.
En 1907, un tableau marqua le début d’un tournant dans l’univers de la peinture : Les Demoiselles d’Avignon. Lorsque Pablo Picasso exposa pour la première fois cette toile, qui met en scène cinq silhouettes féminines dans une maison close, le collectionneur Sergueï Chtchoukine et son ami Georges Braque ressentirent l’oeuvre comme « … une perte pour la peinture française ». Cependant, Braque ne tarda pas à percevoir le sens de cette nouvelle vision de la réalité. Dans cette oeuvre, Picasso transposait pour la première fois une optique claire et rationnelle, loin de toute exigence esthétique. Prolongeant l’analyse des formes de Cézanne, Picasso divisa, en effet, les formes en cubes de petite taille. L’observateur, devant cette toile, a donc pour tâche de reconstituer un tout au départ de ce puzzle de vues spatialement très variées.

En outre, le fait que la couleur soit étouffée représente également une nouveauté. Mais le point de rupture réside essentiellement dans l’affranchissement de cette image par rapport aux contraintes de la Nature. Cette oeuvre incarne la réplique de l’artiste à la mutation des contraintes scientifiques régissant le temps et l’espace. Pour penser cette composition, l’artiste partit de la nécessité, établie par Cézanne, de rechercher dans la Nature la sphère, le cône et le cylindre. À l’exposition des Indépendants de 1909, le critique Louis Vauxcelles évoqua des cubes. C’est ainsi que naquit le cubisme.

Les Incontournables
Pablo Picasso (Malaga, 1881 – Mougins, 1973)
« Picasso se considéra toujours comme un poète, plus prédisposé à s’exprimer à travers les dessins, les peintures et les sculptures. » (Pierre Daix).
Le grand artiste espagnol baigna dès sa naissance dans le monde artistique. Il apprit de son père, peintre et professeur à l’École des arts et métiers, les bases du savoir formel académique. Puis il étudia à l’académie des arts de Madrid, mais il n’avait pas encore dix-huit ans quand il rejoignit les rangs de ceux qui se nommaient eux-mêmes « modernistes », des artistes et des écrivains non-conformistes.
Ses premières oeuvres, des peintures exécutées dans des teintes bleues, inspirées d’un voyage à travers l’Espagne et de la mort de son ami Casagemas, peuvent être regroupées dans ce que l’on appela la Période bleue (1901-1904). À cette époque déjà, dès la fin de 1901, le désir d’exprimer ses sentiments de tristesse de façon plus directe le poussa également à se tourner vers la sculpture. La prédominance de la forme dans ses peintures atteste indéniablement de cet intérêt ; Picasso commença à sculpter car cela correspondait à son besoin de s’imposer des limites strictes, d’atteindre les moyens d’expression les plus ascétiques.

S’en suivit, entre 1905 et 1907, une nouvelle phase picturale caractérisée par un style plus enjoué, dominé par l’orange et le rose que l’on nomma la Période rose.
Puis, au cours de l’automne 1907, l’artiste passa de longues heures à sculpter d’étranges figurines ressemblant à des fétiches et des poupées primitives, et à faire des esquisses pour de futures oeuvres. À cette époque, Picasso avait déjà découvert la sculpture sur bois africaine au musée ethnographique du palais du Trocadéro et, comme nombre d’artistes, avait acheté plusieurs statues et masques. Cet art « nègre » influença son travail et particulièrement l’idée qu’il se faisait de la représentation picturale. En effet, à la fin de l’année, des femmes nues qui étaient devenues son sujet d’étude principal furent l’objet de la composition de sa grande toile, Les Demoiselles d’Avignon. Ce tableau, sans doute le plus important du XXe siècle fut une réponse au Nu bleu de Matisse et aux Baigneuses de Derain.

De la même façon que l’on considère habituellement l’art africain comme un facteur du développement de l’esthétique classique de Picasso en 1907, les leçons de Cézanne ont été perçues comme la pierre angulaire de cette nouvelle progression. Ce n’était qu’une première porte car il fallut ensuite tout un processus pour dépasser l’analyse tant influente de Cézanne, mais l’asymétrie de la toile, la géométrisation extrême des lignes et la violence de la déformation des corps contenaient en elles les prémisses d’une révolution, celle du cubisme, mais surtout l’entrée dans l’ère moderne.
Le peintre Georges Braque expliqua que : « le principal axe du cubisme fut la matérialisation de l’espace ». S’en suivit une période d’intense créativité où Picasso, travaillant alors avec Braque, explora toutes les possibilités que pouvait lui offrir ce nouveau système de représentation. La peinture, les collages et même la sculpture devinrent ses outils de création. Dès lors, ses travaux se trouvèrent étroitement liés, et sa Tête Fernande de 1909 illustre le parallèle que Picasso faisait entre ces deux media, cette oeuvre étant considérée comme la première sculpture cubiste.
Juan Gris (Madrid, 1887 – Boulogne-Billancourt, 1927)
Si Juan Gris, né, en 1887, Juan José Victoriano González Pérez, débuta sa carrièreartistique sur le territoire français en réalisant des caricatures dans nombre de journaux, dont le Charivari, L’Assiette au beurre, Le Cri de Paris, ce fut sans compter sur le soutien et l’influence immense de Picasso qui le conduisit tout naturellement au Bateau-Lavoir. Avec Picasso et Braque, il partagea, pendant une quinzaine d’années, la vie de bohême des artistes qui vécurent sur la butte montmartroise : Kees van Dongen, Max Jacob, Pierre Mac Orlan…
S’il embrassa dans un premier temps le cubisme analytique de Picasso et Braque qui, en 1911, faisait déjà couler beaucoup d’encre, les papiers collés lui apportèrent la structure et l’esthétisme qui lui convenaient. En effet, l’abstraction tendancieuse du cubisme analytique, qui s’arrêtait à l’analyse de la géométrie des objets, freinait le sens artistique de ce scientifique inavoué. Le merveilleux interprète refusa donc d’arpenter les rudes chemins de l’abstraction pour privilégier une voie plus lumineuse, où le nombre d’or fut toujours respecté, afin de donner à l’ensemble de son OEuvre une cohérence plus qu’aboutie. Dans ses oeuvres, les constructions sont définies au préalable, le plan est plus ferme, unifié. Gris décida de synthétiser les relations qui régissent les objets entre eux.

Aussi, quitta-t-il l’abstraction cézannienne (ne dira-t-il pas « Cézanne va vers l’architecture, moi j’en pars » ?) comme pour mieux embrasser la réalité des objets, qui n’existaient pour lui que s’ils étaient concrets. Il rejeta donc la décomposition pour assembler les parties en un tout. Peinture, géométrie et poésie se noient dans une musique picturale dont lui seul connaissait l’exacte partition. Ses tableaux, d’une syntaxe janséniste, soulignent une maîtrise incroyable de l’espace, aussi comprend-on aisément que Gris devint le fer de lance du cubisme synthétique à partir de 1915.
Outre la signature d’un contrat avec Kahnweiler, Gertrude Stein, à l’instar de Léonce Rosenberg, acheta un grand nombre de ses oeuvres. Il sut également s’entourer de peintres comme Picasso, Modigliani ou Matisse, avec lequel il partagea de nombreux moments à Collioure, mais aussi de poètes comme Reverdy, Apollinaire ou encore Max Jacob, qu’il voyait souvent.
Malade depuis l’adolescence, l’artiste qu’il était s’intéressait d’avantage, malgré son magnifique Portrait de Pablo Picasso et son Portrait de Maurice Raynal, aux objets qu’aux hommes. Homme d’intérieur, il bouscula et revisita tous nos objets du quotidien, les désossant un par un pour mieux les assembler, lui le grand ordonnateur, comme le soulignent Nature morte (violon et encrier), Pipe et journal (Fantômas) ou encore Le Petit Déjeuner. Suggérant plus qu’elle ne révèle, son OEuvre est une ode subtile à la métonymie.

Comprenant toute la poésie de son OEuvre, Diaghilev, en 1922, lui commanda une série de décors et costumes pour ses Ballets russes. En 1924, il tint, à trente-sept ans, une conférence à la Sorbonne sur « Les Possibilités de la peinture » et s’éteignit trois ans plus tard, trop jeune, d’une urémie.
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