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L’art D’utamaro

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Utamaro (ASIN: B016XN18M6) écrit par Edmond de Goncourt, publié par Parkstone International.

Parcourir les albums japonais est une véritable initiation, au cours de laquelle on est particulièrement ébloui par la splendeur d’Utamaro. Ses planches somptueuses frappent l’imagination par son amour de la femme, qu’il enveloppe si voluptueusement dans les grandes étoffes japonaises, dans des plis, des contours, des chutes et des couleurs si recherchées que le cœur défaille à les regarder, à se figurer ce qu’elles représentent de jouissances exquises pour le peintre. Car le vêtement féminin révèle la conception qu’un peuple a de l’amour et cet amour n’est lui-même qu’une forme de la pensée supérieure cristallisée autour d’une source de joie… Utamaro, peintre de l’amour japonais, mourra d’ailleurs de cet amour ; car il ne faut pas oublier que l’amour japonais est surtout érotique. Les shungas du grand artiste illustrent l’intérêt qu’il porte à ce sujet. Les délicieuses images de femmes remplissent des centaines de livres et d’albums et rappellent, si besoin était, les affinités innombrables de l’art et de l’érotisme… Ainsi le maître d’Utamaro, le peintre Toriyama Sekien, a-t-il pu dire du magnifique Livre des insectes: « ici sont les premières œuvres faites avec le cœur ». Le cœur d’Utamaro transparaît dans la quête de la beauté des animaux à travers cette effusion avec laquelle il dépeint les femmes du Yoshiwara* : l’amour de la beauté chez un artiste n’est vrai, que s’il en a la sensualité. L’amour et le sexe se trouvent à la base des sensations esthétiques et deviennent le meilleur sens pour extérioriser l’art qui, en réalité, ne rend jamais mieux la vie que par schématisation, par stylisation…

Beauté au bouquet d’iris. La Courtisane Hitimoto.
Oban, nishiki-e, 37,5 x 25,5 cm.
Bibliothèque nationale de France, Paris.

Utamaro est l’un des artistes du mouvement japonais du « monde flottant » (Ukiyo) les plus connus en Europe ; il est resté comme le peintre des « maisons vertes », selon l’expression d’Edmond de Goncourt. On lui associe immédiatement les estampes en couleurs (nishiki-e) de ses grandes courtisanes longilignes, habillées de tissus précieux, à la chevelure noire, morceau de bravoure de l’artisan graveur.

Imprimeur, [boutique] distribution de nouvelles estampes (Suri-ko, mise-saki, shimpan-kubari)
extrait de la série Culture des estampes de brocart, spécialité d’Édo (Edo meibutsu nishiki-e kosaku), vers 1803.
Oban, triptyque, nishiki-e, feuille de droite : 37,2 x 24,8 cm ;
feuille centrale : 37,2 x 25,3 cm ; feuille de gauche : 37,2 x 24,3 cm.
The British Museum, Londres.

Il traita, outre des idylles dans un décor de nature, des thèmes tels que les couples d’amants célèbres, des portraits de courtisanes ou des visions érotiques du Yoshiwara*. Mais ce sont surtout les représentations féminines d’Utamaro qui frappent par leur beauté sensuelle vivante et charmante, si loin du réalisme, et chargées d’un sens psychologique d’une grande finesse. Il a su proposer un nouvel idéal de la femme, svelte, altière, aux manières réservées. On a pu lui reprocher d’avoir répandu la mode de la figure longue chez les femmes et de donner à ces figures des proportions invraisemblables. Il fut, certes, l’un des éminents représentant de ce style, mais, ses figures féminines, aux proportions faussées, demeurent des œuvres d’un art merveilleux, tellement japonais… En effet, les japonais prisent plus la noblesse dans la grande beauté, que l’observation et l’esprit. Indiciblement, l’évocation fait éclore la beauté, offre ses mille facettes à l’œil, étonne par une complexité d’attitudes plus apparentes que réelles et prend avec la vérité des licences insensées chargées de sens.

« Parodie d’une scène de carrosse impérial » (Mitate gosho-guruma), vers 1798.
Oban, triptyque, nishiki-e, feuille de droite : 37 x 25 cm ;
feuille centrale : 36,7 x 25,2 cm ; feuille de gauche : 37 x 25,2 cm.
The New York Public Library, New York.

On sait peu de choses de la vie d’Utamaro. Ichitaro Kitagawa, de son vrai nom, serait né à Édo vers la moitié du dixhuitième siècle, probablement en 1753, certainement à Kawagoe, dans la province de Musashi. C’est une ancienne habitude des artistes japonais d’abandonner leur nom de famille pour prendre des noms d’artistes. Le peintre prit d’abord comme nom d’intimité, Yu-suke ; comme nom d’élève d’atelier, Murasakiya et comme nom de peintre sorti de l’atelier travaillant d’après sa propre inspiration, le nom d’Utamaro.

« Trois Beautés dans le Yoshiwara »
(Seiro san bijin), vers 1793. Oban, nishiki-e, 38,6 x 26 cm.
Honolulu Academy of Arts, Honolulu.

Utamaro vint tout jeune à Édo. Après quelques années d’errance, il habita chez Tsutaya Ju-zaburo, le célèbre éditeur de livres illustrés de l’époque, dont la marque représentant une feuille de vigne vierge surmontée du sommet du Fujiyama, se voit sur les plus parfaites impressions d’Utamaro. Il demeurait à un jet de pierre des grandes portes menant au Yoshiwara. Quand Tsutaya Ju-zaburo déménagea et établit sa boutique au centre de la ville, Utamaro l’y suivit et resta avec lui jusqu’en 1797, année où l’éditeur décéda. Alors Utamaro logea successivement rue Kyu-emon-cho, rue Bakuro-cho, puis se fixa, dans les années qui précédèrent sa mort, près du pont Benkei.

« Cerisiers en fleurs dans le Yoshiwara »
(Yoshiwara no hana), vers 1793.
Encre, couleurs et or sur papier, 203,8 x 274,9 cm.
Wadsworth Atheneum.

Il étudia d’abord la peinture à l’école de Kano. Puis, très jeune, il devint l’élève de Toriyama Sekien. Sekien lui enseigna l’art de l’estampe et de la peinture Ukiyo-e. À ses débuts, Utamaro publia des estampes sous le nom d’Utagawa Toyoaki. Ce sont ses estampes de beautés (bijin-e) et ses estampes érotiques qui le rendront célèbre. Ce sont les maîtres Sekien et Shunsho qui transmirent à Utamaro le savoir traditionnel du grand Kiyonaga et de l’aimable et ingénieux Harunobou (1752-1770). Il devint une sorte d’aristocrate de la peinture, dédaignant de peindre les gens de théâtre ou simplement des hommes. À cette époque, la popularité des peintres, dépendait de celle de leur sujet. Et, dans un pays où toutes les catégories de la population adoraient les acteurs de théâtre, il était courant qu’un peintre profitât de la célébrité de ces derniers, en les intégrant dans son œuvre. Utamaro se refusa à dessiner des comédiens, disant fièrement : « je ne veux pas briller à la faveur des acteurs, je veux fonder une école qui ne doive rien qu’au talent du peintre ». Quand l’acteur Ichikawa Yaozo eut un immense succès dans la pièce Ohan et Choyemon que son portrait, dessiné par Toyokuni, devint célèbre, Utamaro, représenta certes la pièce, mais figurée par d’élégantes femmes, jouant dans des compositions imaginaires. Il démontra ainsi que les dessinateurs de l’école vulgaire, qui avaient répété ce sujet, à la façon d’Utagawa Toyokuni (1769-1825), étaient une troupe surgissant de leurs ateliers, une troupe comparable à des « fourmis sortant du bois pourri ». Les femmes seules l’occupèrent, remplirent son art et il devint bientôt l’artiste merveilleux que nous connaissons.

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