Vénus, 1870, William Morris, Arthur Clutton-Brock
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William Morris (Version française)

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre William Morris (ASIN: B016XN18XK) écrit par Arthur Clutton-Brock, publié par Parkstone International.

Au milieu du XVIIIe siècle, la France et l’Angleterre fabriquaient des meubles inutiles destinés aux classes riches. Les meubles fonctionnels étaient, par contre, simples, solides et bien proportionnés. Les palaces étaient devenus des demeures pompeuses et irrationnelles alors que les maisons ordinaires avaient pour mérite d’être équipées d’un mobilier simple et fiable. En effet, ce que les hommes fabriquaient, sans intention artistique aucune, donnait finalement un bon résultat.

Le travail de ces artisans était doté d’une beauté naturelle et discrète qui passa inaperçue, jusqu’au jour où le « secret » de leur fabrication se perdit. Lorsque cette catastrophe arriva, elle n’affecta pas véritablement les arts comme la peinture, qui sont plutôt soutenus par une clientèle cultivée et riche. Elle toucha davantage les arts plus universels et pratiques dont le savoir-faire se transmet grâce à un amour naturel du métier et grâce au plaisir de créer des objets pratiques.

Anges, non daté, William Morris, Arthur Clutton-Brock
Anges, non daté. Panneau de carreaux. St John the Baptist Church, Findon, Sussex.

Personne à l’époque ne semblait avoir remarqué ce problème. Aucun des grands poètes du mouvement romantique, sauf peut-être Blake, n’y fit allusion. Ils tournèrent tous le dos, avec un dégoût inconscient, à l’oeuvre de l’homme et valorisèrent en contrepartie la nature. Lorsque les romantiques parlaient d’art, ils se référaient à celui du Moyen Age, qu’ils appréciaient parce qu’il appartenait au passé. En effet, le mouvement romantique, lorsqu’il s’intéressait à l’art, les affligeait d’une nouvelle maladie.

Cette fatigue était néanmoins tout à fait consciente, du moins dans un premier temps. Les hommes ne se rendaient pas compte que l’art de leur époque avait été contaminé. Ils avaient perdu une partie de leur joie de vivre, sans en comprendre les causes, avant que Ruskin ne vienne le leur expliquer (1819-1900). Ce fut grâce à lui que la recherche esthétique se saisit de ces problèmes et devint un objet scientifique.

Selon Ruskin, la laideur n’était pas simplement due à une perte de savoir-faire, puisque les facultés artistiques sont liées à ses autres facultés humaines. Il est le premier intellectuel à avoir analysé l’art comme le produit des différentes actions humaines. L’oeuvre a, par conséquent, des aspects moraux et intellectuels, en plus de ses qualités esthétiques. Ruskin voyait l’esthétique d’une oeuvre, mais également le produit de la société au sein de laquelle elle avait été créée.

Il ne regrettait pas simplement que le plaisir d’admirer de belles choses ait disparu. Il sentait qu’un véritable mal, auquel les époques précédentes avaient échappé, frappait la société. Ruskin était un génie, qui réussit à détecter un nouveau danger pour l’Homme et mit des mots sur l’inquiétude qui gagnait l’humanité. Sa position fut celle du recul critique. Il raisonnait à partir de ses propres expériences, au lieu de devenir artiste lui-même. Sa rébellion se traduisait davantage par une réflexion intellectuelle, que par un engagement actif.

L’Histoire de Frithiof le courageux, vers 1873., William Morris, Arthur Clutton-Brock
William Morris, Charles Fairfax Murray, Louise Powell et Graily Herwitt, L’Histoire de Frithiof le courageux, vers 1873. Aquarelle et dorure sur papier, 40,1 x 53 cm (livre ouvert). Paul Getty Library, Wormsley.

Il fut suivi dans sa rébellion par un autre homme de génie, qui n’était pas un critique mais un artiste, créant ses valeurs au fur et à mesure qu’il les adoptait. Ruskin avait commencé comme critique d’art et était devenu critique social.

Rien ne le prédestinait à cela : ne pouvait-il créer lui-même des belles choses autour de lui ? Plus qu’un talent pour chanter la beauté dans ses poésies, il avait un don pour exprimer la beauté à travers son travail manuel. Aussi laid soit-il, Morris parvenait à faire du monde un paradis terrestre. Il en ressentait toute la satisfaction et le bonheur d’un artiste qui crée de la beauté. Il existe des hommes très talentueux qui ne sont jamais satisfaits de leurs créations. Morris réussissait à être heureux en faisant cent choses différentes, aussi heureux qu’un enfant lorsqu’il joue.

Pourtant, expliquait Morris, l’art est l’affaire de tous, que l’on soit un artiste ou non. Pour lui, comme pour Ruskin, l’art ne se limitait pas à des images ou à des statues. L’art est tout ce qui est créé par l’Homme, même si, beau par le passé, l’art s’était dégradé. Il ne pouvait s’empêcher de remarquer l’absence de beauté des maisons, des tables et des chaises, des vêtements, des tasses, des soucoupes de son époque, par manque de talent ou par négligence.

Artiste et homme d’action, Morris avait d’abord tenté de créer des belles choses, pour lui et pour ses amis. Mais, il se rendit rapidement compte que l’effort artistique d’un seul ne pouvait suffire à enrayer la tendance à l’enlaidissement, celle-ci étant le fruit d’une société dans laquelle le mécontentement grondait. En effet, selon lui, la beauté était produite par le bonheur et la laideur par un malaise social, marque d’une nouvelle forme de malheur collectif.

Morris, Marshall, Faulkner & Co., Panneau de la chambre lunaire de la salle à manger verte, 1863. Victoria & Albert Museum, Londres.

Morris apparaît, en quelque sorte, comme un visionnaire, donnant l’orientation à suivre et motivant les autres à se battre pour atteindre le but fixé. Il est insuffisant de prêcher la paix et d’évoquer les horreurs de la guerre, car les Hommes sont faits de telle sorte qu’ils préfèrent les horreurs à l’ennui. Il faut les persuader que la paix leur ouvre la voie vers une vie pleine et glorieuse et qu’il faut souhaiter une telle vie avec passion.

Pour Morris, la société était dans un état de guerre économique. Ceci rendait les Hommes soucieux, tristes et impuissants, à l’image d’une tribu sauvage, noyée dans d’incessantes vendetta. Dans la paix économique, qu’il appelait de ses voeux, les Hommes auraient le loisir et la possibilité de se consacrer aux choses essentielles et de vivre une vie riche et remplie.

Ses contemporains ont retenu les idées de Morris, mais se sont peu intéressés à l’homme et son aura fut plus importante que sa renommée personnelle. Son art influença profondément toute l’Europe. Ses créations semblaient rassembler toutes les expressions artistiques de l’époque. En tant que poète, il est généralement connu comme le dernier et le plus intense des poètes romantiques. Pourtant, ses poèmes les plus tardifs n’ont, ni le désespoir, ni la complexité qui caractérisent ce mouvement littéraire. Lorsque Morris décrivait un monde imaginaire, il construisait, en fait, le monde tel qu’il le rêvait. L’avenir le préoccupait toujours, même lorsqu’il semblait concentré sur le passé. C’est ce qui le rendait si différent de tous les autres poètes romantiques.

Sa poésie visionnaire exprime l’amour de Morris pour la réalité, notamment par sa propension à évoquer l’art de bien vivre. Tout ce qu’il écrit, en vers ou en prose romantique, est l’histoire de sa propre aventure dans un monde qu’il souhaitait changer.

Arthur Hughes, A la Veille de la Sainte-Agnès, 1856. Huile sur toile, 71 x 124,5 cm. Tate Gallery, Londres.

Pour ceux qui l’ont connu, même pour ceux qui ne prêtaient aucun intérêt à la poésie ou à l’art, il s’agissait d’un grand personnage. Tous tombèrent sous son charme, comme d’autres sont tombés sous l’influence de Napoléon, alors même qu’ils ne partageaient pas son amour du pouvoir. Morris ne fut jamais le centre d’un cercle d’admirateurs, comme le furent le Docteur Johnson ou Rossetti. Mais, ceux qui eurent la chance de le connaître retinrent sa capacité à rendre clairs les problèmes de la vie et de l’art. Son influence se prolongera, soyons-en certains, jusqu’aux générations futures.

Bien sûr, l’auteur de ces lignes n’a pas rencontré Morris. Ce texte tente toutefois de montrer la nature de son influence et de sa grandeur, au travers de son oeuvre. Morris fit tant de choses, tellement différentes, qu’il est cependant impossible d’évoquer la totalité de son oeuvre.

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