
Paul Gauguin : conteur ou affabulateur ?
Il a déjà été question du départ de Gauguin à Tahiti, de ses découvertes humaines et artistiques, des chefs-d’œuvre qu’il y peignit. Son influence sur la peinture de la fin du XIXe siècle est connue de tous. À l’instar de Cézanne ou de Van Gogh, il a laissé une empreinte indélébile sur ses héritiers. Pourtant critiques et biographes remettent en question cette période de la vie de Gauguin ; du peintre et de l’homme à la fois.
Paul Gauguin avant d’être un artiste, était un homme. Un homme avec ces travers, plus ou moins importants, ces vices, ces côtés obscurs. Peut-être en avait-il plus qu’un homme normal. Mais, doté d’un talent certain, il s’accomplit dans l’art.

Créer. S’éloigner de cette « civilisation corrompue » et retrouver la simplicité, dans la vie comme dans la création. C’est la raison annoncée de son départ à Tahiti en 1891.
Pendant toute cette période polynésienne, et jusqu’à sa mort en 1903, Gauguin fit parvenir à Paris non seulement des tableaux et sculptures, mais également des textes. Il y donne à voir une nature sauvage et colorée, des créatures féminines mystérieuses toujours à moitié nues, se livrant au plaisir et à la volupté, menant une vie simple et sans contraintes ; des Èves profanes dans un jardin d’Eden encore intact. On peut penser notamment à sa « Maison du Jouir », nom qu’il attribua à sa dernière demeure dont il orna la porte de sculptures où se mêle à une sensualité en apparence innocente un érotisme plus pervers.
Il crée tout un monde dont la véracité est depuis longtemps contestée : d’aucuns disent qu’ils recherchaient là-bas le paradis perdu de son enfance. D’autres, qu’il profita de cet éloignement pour vivre une vie faite de débauche et de scandale, abusant de son statut de colon et d’artiste, se brouillant avec les populations indigènes, les autorités coloniales, etc. Et c’est vrai que la réalité est quelque peu enjolivée : Gauguin souffrait de la syphilis qu’il transmit à ses « femmes » qui n’étaient en réalité que des jeunes adolescentes, et son île ressemblait plus à une colonie (civilisée et donc corrompue) qu’à un paradis terrestre.

Noa Noa est le récit de ce premier séjour en Polynésie : Il est à la fois « fantasme de l’ailleurs » et « fable exotique ». Mais a-t-on le droit de le traiter d’imposteur ? D’affabulateur ? Gauguin s’est vraisemblablement perdu dans cette idylle érotique et fictive qu’il s’est créée et à laquelle il a fait croire ses spectateurs. Loin de trouver ce paradis perdu dont il rêvait, il chercha sans doute à combler sa déception en écrivant et en peignant cette « fable exotique », comme un moyen de compenser ou de réparer la triste, et « sale », réalité : c’est là que « le conteur parle. »
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