
L’Art Naïf : « successeur » des arts primitifs à la fin du XIXe siècle
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre L’Art Naïf (ASIN: B00KHLP1MO), écrit par Nathalia Brodskaya, publié par Parkstone International.
Il existe deux manières d’envisager la naissance de l’art naïf. Comme courant artistique, il n’a vu le jour qu’au début du XXe siècle. Mais il est apparu de façon absolue, il y a quelques dizaines de siècles, avec les peintures rupestres et les premières sculptures animalières. Qui fut le premier artiste naïf ? Certainement un chasseur du néolithique, gravant sur une pierre plate les contours d’une proie en fuite et n’utilisant qu’une seule ligne fine pour rendre la silhouette élégante de l’animal en mouvement. Sans aucune expérience artistique, il utilise son œil de chasseur. Toute sa vie durant, il avait observé son « modèle ». Il est difficile, cependant, de comprendre ce qui l’incita à réaliser un tel dessin. Tentait-il de transmettre un message à sa tribu ? A un dieu, une prière pour que la chasse soit bonne ? Selon les historiens de l’art, ce premier essai, indépendamment de son objectif, témoigne d’un élan vital, d’un besoin de s’exprimer né au contact de la nature. Ce chasseur, qui doit assurément être considéré comme le premier des « artistes naïfs », fut sans doute le plus original, car aucun système de représentation picturale n’existait encore. Peu à peu, une méthode se forma et se perfectionna. Les peintures des grottes de Lascaux ou d’Altamira n’ont sans doute pas été réalisées par les mains d’un chasseur. La représentation précise et détaillée des bisons, leurs plastiques, l’utilisation du clair-obscur et, pour finir, la beauté du dessin révèlent une incontestable maîtrise. Mais, comme il vivait dans l’anonymat et que ses contemporains ne prêtaient sans doute pas un intérêt aussi important que nous aujourd’hui à ce qu’il peignait, ce « naïf », chasseur ou artiste amateur, continua ses essais.

En savoir plus sur les œuvres d’Henri Rousseau ici.
C’est en Europe, au début du XXe siècle, que les premiers peintres dits « naïfs » furent connus. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Ces questions demandent un retour vers le passé. En réalité, il faut s’intéresser à ceux qui, les ayant découverts, les ont sortis de l’anonymat. En effet, sans la jeune avant-garde européenne, qui fait partie intégrante maintenant de l’histoire de l’art, l’art naïf n’aurait peut-être jamais eu d’impact. Par conséquent, il paraît difficilement concevable d’étudier Henri Rousseau, Niko Pirosmani, Ivan Generalić, André Bauchant ou Louis Vivin sans prendre en compte aussi Pablo Picasso, Henri Matisse, Joan Miró, Max Ernst ou Mikhail Larionov.
Les multiples problèmes posés par les œuvres naïves occuperont encore longtemps les historiens de l’Art. Avant tout, il est nécessaire d’éclaircir les sources de leur art, ainsi que les relations qu’ils entretiennent avec l’art académique officiel. Etudier l’art naïf relève de la gageure car de nouveaux artistes apparaissent sans cesse et leurs œuvres viennent, sinon modifier, du moins compléter les théories. Ceci rend particulièrement ardue l’élaboration d’un panorama exhaustif de l’art naïf. Aussi, nous contenterons-nous de prendre seulement quelques exemples représentatifs de cet univers mystérieux.

Anonyme, Idole masculine, 3000-2000 ans av. J.-C. Bois d’élan, h : 9,3 cm. Musée d’Archéologie nationale, Château de Saint-Germain-en-Laye, Saint-Germain-en-Laye.
L’influence des peintures de Henri Rousseau, de Niko Pirosmani ou d’Ivan Generalić sur l’art académique est très complexe à déterminer. La raison en est simple : ils ne sont pas unis au sein d’une même école, et aucun d’entre eux ne possède une cohérence picturale suffisante pour être totalement cerné. Cet obstacle de taille explique pourquoi les historiens de l’art se sont, jusqu’à présent, peu intéressés à cette question. Car il est vrai que chercher un point commun, permettant de les confronter tous ensemble, est une étude particulièrement difficile. Se pose d’abord le problème de leur dénomination : il n’existe, en effet, pas de mot permettant de les définir exactement. Dans les dictionnaires spécialisés, le terme « primitif » est défini comme suit : « peintre ou sculpteur, qui précède les maîtres de la Renaissance ». Cette définition, apparue au XIXe siècle, a vieilli : la notion d’art primitif au XXe siècle a inclus l’art des autres civilisations ainsi que celui des artistes naïfs. On a ainsi élargi la définition pour y introduire des courants très différents les uns des autres. C’est pourquoi, le terme « primitif », employé pour déterminer un art d’amateurs ne semble pas suffisamment précis.
Le mot « naïf » et ses synonymes – naturel, ingénu, rustre, inexpérimenté, crédule, simple – reflètent tous une certaine caractéristique émotionnelle, qui correspond, cela va sans dire, parfaitement à l’esprit de ces peintres. Cependant, reprenant une formule d’Aragon, on pourrait dire « qu’il serait naïf de croire cette peinture naïve ».
Ce n’est pas par hasard si, les uns après les autres, tous les spécialistes ont inventé de nouveaux termes, chacun s’efforçant de définir l’indéfinissable. W. Uhde avait baptisé l’exposition de 1928 : « Les Peintres du Cœur sacré », et mettait ainsi l’accent sur leur simplicité d’âme. Le nom que leur attribua René Huyghes, « les peintres instinctifs », se réfère, quant à lui, plutôt à leurs œuvres. Le terme de « néoprimitif » fut créé pour les distinguer des artistes « primitifs du XIXe siècle », en réalité les peintres médiévaux. On a introduit par la suite, le terme de « peintre du dimanche » pour désigner la situation sociale de ceux qui, après avoir travaillé toute la semaine, se consacraient à la peinture le dimanche, comme distraction.

Ce fut finalement le terme de « naïf » qui l’emporta. Son utilisation dans les différentes publications et dans les musées peut témoigner de sa prévalence. De plus, le mot illustre parfaitement l’alliance d’éléments esthétiques et moraux que l’on retrouve dans les œuvres de ces peintres. Pour Gert Claussnitzer, l’appellation « peintres naïfs » associe au réalisme triomphant la maladresse de ces peintres amateurs. Toutefois, pour le spectateur candide, sous le terme de peintre naïf se cache d’abord une personne, un peintre.
L’aspiration naturelle de chaque historien de l’art à classer les peintres naïfs sous des traits fondamentaux, s’est rapidement heurtée à l’indépendance de cet art à l’égard de toute école, de toute idéologie, de tout manifeste. Maurice de Vlaminck écrivit à la fin de sa vie : « J’ai été Fauve, paraît-il, puis cézannien. Tout ce que l’on voudra, j’y consens, si j’ai d’abord été Vlaminck. » Pour les naïfs, cette indépendance est nécessaire. Paradoxalement, c’est par cette faculté qu’ils se définissent le mieux. Leur spontanéité intervient non seulement dans le choix de leurs sujets, de leurs motifs, mais elle est présente d’abord dans leur regard sur la nature. Elle s’incarne finalement dans leur manière de peindre. On ne saurait oublier par ailleurs l’existence d’un autre domaine de l’art : l’art populaire, qui a joué d’une certaine manière un rôle déterminant chez les naïfs…
En savoir plus sur :
Museum of Naïve and Marginal Art (MNMA)
Museum of Naïve and Marginal Art, Jagodina, Serbia
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