
Les Visions poétiques de William Blake
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre William Blake (ISBN: 9781783108749) écrit par Osbert Burdett, publié par Parkstone International.
On en vient à croire un mensonge
Si l’on ne voit pas à travers l’oeil,
Celui qui est né en une nuit pour mourir en une nuit,
Quand l’âme dormait dans les rayons de lumière.
Dieu apparaît et Dieu est lumière,
Pour ces pauvres âmes qui résident dans la Nuit ;
Mais Il prend forme humaine
Pour ceux qui vivent dans les royaumes du jour.
Les Chants d’innocence furent gravés deux ans après que Blake, suite à la mort de son frère et à la dissolution de son partenariat avec Parker, se fut établi au 28 Poland Street. M. Sampson estime que les deux pamphlets Il n’y a pas de religion naturelle et Toutes les religions sont une ont probablement été gravés en 1788, soit un an auparavant. Alors qu’il demeurait à Poland Street, Blake composa Tiriel (1788), le Livre de Thel (1789), le Mariage du Ciel et de l’Enfer et le premier volume de la Révolution française. Avant de nous pencher sur ces ouvrages, qui peuvent être considérés à juste titre comme ses premiers livres prophétiques, il nous faut dépeindre Blake dans son nouvel environnement et comprendre, autant que faire se peut, les pensées qui occupaient son esprit. Toujours très influençable, il semble avoir été orienté dans cette voie par certains livres qu’il rencontra.

L’année qui suivit l’arrivée de Blake à Poland Street, deux livres parurent, auxquels ses écrits ultérieurs empruntèrent certains traits quant à leur forme et leur contenu. Ces ouvrages l’ont profondément intéressé, et les commentaires qu’il en fit sont parvenus jusqu’à nous. Il s’agissait des Aphorismes de Lavater et de la Sagesse angélique de Swedenborg. On possède encore les copies de ces deux livres avec des annotations de Blake, et ses commentaires ont été imprimés à maintes reprises. Ces deux auteurs étaient des penseurs excentriques s’intéressant à la théologie ; l’un avait été ordonné pasteur, tandis que l’autre était involontairement à l’origine de l’Église de la Nouvelle Jérusalem ; tous deux étaient des scientifiques accomplis avec des tendances mystiques.
Une étude de ces oeuvres suffit à révéler leur effet sur l’esprit de notre poète, et son instinct, qui le pousse à aller au-delà des modèles qui stimulent son imagination, nous laisse pressentir ce qu’il faut en attendre. C’étaient les modèles les moins heureux qu’il eût pu trouver et, comme il les lisait avec quasiment aucune distance critique, on peut d’emblée imaginer quel fut le résultat. Les livres prophétiques de Blake devinrent ce qu’ils sont par le contact désastreux avec des esprits aussi illuminés que le sien, mais qui, du moins, étaient disciplinés par une étude active. Ce n’était pas la force du génie de Blake qui l’avait propulsé dans la forme que ses écrits ont pris dès cette période, c’était son abandon à des modèles ordinaires. Lavater était un pasteur suisse, un poète et un écrivain spécialiste de la philosophie gnomique. Il était, à ce qu’on disait, un intraitable individualiste, l’apôtre de la tempête et de la tension, de la ferveur, du génie et de l’idéalisme.

Ses Aphorismes sont de qualités variées et ne nous seraient pas d’un grand intérêt s’ils n’avaient suggéré à Blake une forme gnomique similaire pour ses propres affirmations provocantes. C’est sans nul doute aux Aphorismes de Lavater que nous devons les Proverbes du Ciel et de l’Enfer qui ont fait la célébrité de Blake. Le proverbe et l’épigramme remportent toujours beaucoup de succès, bien que personne n’ait jamais appris la sagesse par leur biais, à moins de se les approprier hors des profondeurs de l’expérience personnelle. Leur utilisation a quelque chose d’intellectuellement malhonnête, car ils nous laissent le soin de deviner s’ils formulent une règle ou soulignent une exception. Par conséquent, comme le remarque Jules Lemaître, on ne peut jamais démontrer qu’ils sont faux.

L’influence précoce de Swedenborg, qui avait imprégné Blake dès son enfance au moyen des conversations de son père et de ses amis, se voyait maintenant renforcée par un nouvel ouvrage de ce scientifique transcendantal. Le mysticisme et la tendance visionnaire étaient si familiers à Blake qu’il ne pouvait pas, sans danger, tomber aux mains d’un homme qui affirmait détenir une connaissance scientifique du monde spirituel et incluait dans son système tous les éléments célestes et terrestres. L’indéniable contribution de Swedenborg à la science, son habitude de mener des recherches en firent une source d’inspiration presque écrasante pour tous ceux qui tombèrent sous son charme. Sa portée était si universelle, ses idées, si particulières, qu’il a nécessairement imposé un symbolisme complexe comme étant la forme indispensable que devaient prendre les idées intuitives.
Blake fut un peu récalcitrant à une suprématie si évidente, et ses annotations de la Sagesse angélique révèlent qu’il cherchait à préserver son indépendance mentale. Il ne pouvait mettre en doute sans désirer surpasser, et cela eut pour conséquence, dans son esprit, de projeter une nouvelle cosmogonie sur celle qui lui était propre. Il était tout à fait inapte à cette tâche, n’étant pas, contrairement à Swedenborg, un penseur méthodique. Or, lorsque qu’un opposant aux systèmes décide de créer le sien, il risque de tomber dans la création laborieuse du chaos. « Je dois créer un système qui me soit propre, ou bien être l’esclave de celui de quelqu’un d’autre. » Tel est le cri pathétique d’une intelligence qui s’est trompée de direction. Ce fut sur une indication de Lavater que Blake commença à annoter. Ce fut en compétition avec Swedenborg qu’il commença à élaborer un système.

Si Swedenborg conversait avec les anges, Blake aussi, si Swedenborg avait des visions, Blake aussi, si Swedenborg avait trouvé dans la Bible la sagesse divine et avait été spécialement mandaté pour en interpréter la signification spirituelle, Blake était appelé à la même tâche. À partir de ce jour, le poète n’eut plus, pour seule lecture, que de la littérature apocalyptique ; il en vint à penser que la religion et l’art étaient des concepts interchangeables au point ultime où l’art est rejeté au profit d’une révélation qui vante son indépendance de la beauté immédiate. Le mystique, qui affirme avoir une expérience personnelle directe de la réalité, n’a pas besoin de l’art pour lui-même.
Cependant, s’il veut communiquer sa connaissance et demeurer un artiste dans le même temps, il doit respecter la forme qu’il a choisie. En inventant pour ses intuitions un symbolisme arbitraire et inutile et en refusant d’employer les formes traditionnelles de la littérature, Blake ne transcenda ni l’un, ni l’autre, mais les réduisit tous deux en chaos. Lorsqu’il renia finalement Swedenborg, il déserta toutes les formes et tous les modèles. Nous assistons alors au détrônement d’un autre esprit fin dans le chaos de sa propre création…

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