
Bonnard – La couleur de la mémoire
En octobre 1947, le musée de l’Orangerie à Paris organisa une grande exposition posthume des œuvres de Bonnard. À la fin de cette même année parut un numéro de l’influente revue Cahiers d’Art. Dans son article, figurant en première page, ≪ Pierre Bonnard un grand peintre? ≫, l’éditeur des Cahiers, Christian Zervos se faisait l’écho de l’exposition. Tout d’abord, Zervos en saluait l’importance dans la mesure où auparavant seules de rares expositions de peu d’envergure permettaient de juger de l’œuvre de Bonnard.

Mais, poursuivait Zervos, celle-ci l’avait déçu, car les mérites de l’artiste ne nécessitaient pas pareille exposition : ≪ …Bonnard, ne l’oublions pas, a vécu ses premières années de travail sous le beau rayon de l’impressionnisme. Il fut en quelque sorte le dernier organe assimilateur de cette esthétique. Mais ce fut un organe si faible qu’il n’en a jamais recueilli la veine vigoureuse. Peut-on s’en étonner ? Dépourvu de nerf et faiblement original, il était impuissant à donner de l’essor a l’impressionnisme, en transfuser le sang dans une langue neuve, remettre ses éléments sur le métier ou, a la rigueur, les tourner à neuf. Bien qu’il soit persuadé qu’on ne doit plus considérer la peinture comme un art de sensation pure, selon la règle impressionniste, il ne peut pas faire intervenir l’esprit, et bien qu’il soit certain qu’il ne s’agit plus pour l’artiste de reconstituer le monde, il ne trouve pas en lui les possibilités de le constituer, comme l’ont fait de son temps les peintres qui ont eu la chance, dès la première heure, de réagir avec force contre l’impressionnisme. Entre ses mains, celui-ci décline et dépérit≫.

Huile sur toile 139 x 212 cm, Musée d’Orsay, Paris.

Huile sur toile, 79,5 x 96,5 cm, Washington, The Phillips Collection.
Cet éditorial de Zervos était-il une attaque personnelle? Vraisemblablement, non. Zervos se faisait simplement le porte-parole de l’avant-garde qui, dans sa logique, concevait l’histoire de l’art moderne comme une succession de mouvements anticonformistes qui créaient chacun leur monde, monde toujours plus éloigné de la réalité. Pendant que l’histoire de la peinture se développait sous l’aspect de chronique des courants d’avant-garde, il restait à Bonnard et a ses semblables peu d’espace, d’autant plus que lui-même n’avait jamais cherché à attirer l’attention et se tenait à l’écart du combat. Il ne vivait pas à Paris et était assez rarement exposé.

Huile sur carton parqueté, 73 x 62 cm, Collection particulière.

Au sein même de cette avant-garde, tous n’auraient pas signé l’article de Zervos. Picasso, contrairement à son admirateur qui venait d’éditer le catalogue complet de ses dessins et tableaux, reconnaissait la valeur de la peinture de Bonnard. Lorsque ce numéro des Cahiers d’Art tomba entre ses mains, Matisse nota avec fureur dans la marge, de son écriture large : ≪ Oui! Je certifie que Pierre Bonnard est un grand peintre pour aujourd’hui et sûrement pour l’avenir. Janv. 48 ≫. Matisse était dans le vrai. Dès le milieu du XXe siècle, l’oeuvre de Bonnard attire les jeunes peintres plus qu’elle ne le faisait dans les années vingt et trente, par exemple. La gloire vint à Bonnard d’une étrange façon. Dans une certaine mesure, il se fit tout de suite un nom, ne connut ni le besoin ni la réprobation, alors que les coryphées de l’art moderne ne connurent la célébrité que plus tard, souvent après leur mort.


Huile sur toile, 53,5 x 63 cm, Collection particulière.
Le stéréotypé de l’avant-garde en usage dans la première moitié du XXe siècle, du peintre maudit, bohème, pauvre, ignoré et aux prises avec les normes établies, ne saurait être associé à Bonnard. Ses toiles se vendaient. Il disposa de bonne heure parmi les peintres et les collectionneurs d’un cercle d’admirateurs fidèles sur lesquels il pouvait compter. Cependant, ces derniers n’étaient pas nombreux. Longtemps, la peinture de Bonnard ne connut pas la ferme reconnaissance générale qu’elle méritait. Pourquoi donc, tout au long d’une vie qui fut loin d’être brève, Bonnard ne parvint-il pas à attirer suffisamment le public? Cela tient sans doute au caractère et au mode de vie de l’artiste qui fuyait la publicité, les déclarations et même les expositions. Voici qu’en 1946 les organisateurs du Salon d’Automne décidèrent d’organiser une grande exposition de son oeuvre. ≪ Une rétrospective ? ≫, demanda Bonnard, ≪ est-ce que je suis déjà mort ? ≫.

Huile sur toile, 127 x 135 cm, Solomon R. Guggenheim Foundation, New York.
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