La Cathédrale, 1908
Art,  Artist,  Français

Auguste Rodin – Le fondateur génial de la sculpture moderne

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Auguste Rodin (ISBN: 9781781606711) écrit par Rainer Maria Rilke, publié par Parkstone International.

En 1898, à l’exposition annuelle du Salon de Paris, le sculpteur Auguste Rodin présente deux imposantes statues : le Baiser et Balzac. Alors âgé de cinquante-huit ans, il est au sommet de sa gloire. Mais ces oeuvres témoignent également de son courage face aux revers qu’il subit tant dans sa vie privée (sa maîtresse Camille Claudel vient de mettre un terme à leur liaison) que professionnelle. En effet, le couple enlacé du Baiser doit, à l’origine, être réalisé à plus petite échelle pour figurer sur une porte monumentale commandée par le gouvernement français. Connue sous le nom de Porte de l’enfer, elle doit s’ouvrir sur un musée d’arts décoratifs. Rodin y a travaillé plus de vingt ans.

Or, en 1898, il est évident que ce musée ne verra jamais le jour. Pour le Salon, le sculpteur décide donc d’accroître les proportions de son oeuvre en marbre massif. Le destin du Balzac comme monument public est également malheureux. En 1891, une société littéraire commande à Rodin une sculpture en hommage au grand écrivain. Après sept ans de travail, l’artiste décide d’exposer l’oeuvre alors presque achevée. Quand les commanditaires découvrent le Balzac, grossièrement coulé dans le plâtre, ils rompent le contrat avec Rodin.

La Porte de l’Enfer, 1880-1890/95, Auguste Rodin
La Porte de l’Enfer, 1880-1890/95. Bronze, Musée Rodin, Paris.

Des deux oeuvres exposées au Salon émane une forte charge d’énergie érotique. Pourtant leurs styles, très différents, presque opposés, mettent en valeur l’élément de volupté érotique, de force sensuelle et de suprématie sexuelle qui préoccupe alors Rodin. Les différences entre ces deux statues frappent d’emblée. Si l’observateur contemporain s’étonne qu’elles aient été créées par la main d’un seul et même homme, les foules parisiennes, en les découvrant lors du Salon, le furent également, si ce n’est plus. Le Baiser est délicatement taillé dans un marbre blanc et brillant. Ses amants majestueux sont idéalisés et divinement beaux. Le Balzac, en revanche, sommairement coulé dans le plâtre (d’autres versions en bronze et en marbre seront réalisées), est extrêmement repoussant.

Ses profils heurtés, ses textures rugueuses et le mépris presque absolu de Rodin pour les détails anatomiques, la précision et la finition, effrayent presque l’observateur. Le couple enlacé du Baiser semble jouer une scène de séduction, avec tendresse. Les personnages sont inspirés par les amants de Dante, Paolo et Francesca, éternellement damnés pour inceste. Ici, rien n’annonce leur sort terrible et poétique (même si Rodin en exécute une autre version plus sombre destinée à la Porte). La femme prend les initiatives : elle embrasse passionnément son amant.

Torse de jeune femme cambrée, 1910, Auguste Rodin
Torse de jeune femme cambrée, 1910. Bronze, Musée Rodin, Paris.

Elle place sa jambe droite sur ses genoux, alors qu’il n’effleure que timidement sa hanche gauche (notons cependant que dans ses propres histoires d’amour, c’est Rodin qui mène la danse ! ). Le Balzac n’offre pas le même intérêt narratif. Légèrement tourné vers la gauche, cet énorme visage déformé grimace avec une force terrifiante. Rodin a advantage cherché à exprimer les pouvoirs créatifs de l’écrivain qu’à effectuer une description fidèle de son apparence physique. Il déclare d’ailleurs que sa statue est « un monument, pas un monsieur reproduit dans la pierre ».

Ces deux oeuvres ont, toutefois, de nombreux points communs : entre autres, elles ont généré plusieurs scandales et suscité de violentes polémiques. En effet, en 1893, une version antérieure du Baiser a été retirée d’une exposition à Chicago. Pour le public, la fougueuse étreinte du couple constituait une représentation trop hardie du prelude sexuel.

L’Adieu, 1892, Auguste Rodin
L’Adieu, 1892. Plâtre, Musée Rodin, Paris.

Plus tard, en 1952, la Tate Gallery de Londres a également refusé d’acquérir une copie du Balzac, le comité responsable de la commande estimant en effet que le monolithe n’est qu’une « masse difforme, une chose innommable, un foetus colossal ». D’autres, à la même époque, le qualifieront de « crapaud dans un sac ». En revanche, le romancier Emile Zola, suivi par un grand nombre de personnalités incontournables, soutient Rodin. Il adresse une pétition aux autorités parisiennes, pour que la statue soit achetée par la ville. En vain. Ce débat se mêle ensuite à l’affaire Dreyfus, ouragan politique qui divise la France. Le parti des dreyfusards défend Rodin. Les deux affaires sont étroitement liées dans la presse.

Danseuse cambodgienne prenant appui sur la jambe droite, la main gauche sur la hanche, 1906, Auguste Rodin
Danseuse cambodgienne prenant appui sur la jambe droite, la main gauche sur la hanche, 1906. Mine de plomb, gouache et rehauts de crayon noir sur papier crème, Musée Rodin, Paris.

Mais pourquoi cette statue a-t-elle choqué ? On en tait souvent les raisons. Dans une étude préliminaire qui, par la suite, sera coulée dans le bronze, Rodin modèle un personnage serrant son sexe en érection. La forme d’ensemble du monument final est explicitement phallique. Pourtant, le Balzac définitif est habillé. Drapé dans une toge, il dégage une vibration d’une force sismique. Rodin synthétise ainsi le caractère de l’écrivain qui travaillait seize heures par jour, ingurgitait d’énormes quantités de café, fumait abondamment et portait souvent une robe de chambre. Sous les replis de la parure, un renflement proéminent suggère avec insistance que le personnage représenté est véritablement Balzac…

Le Penseur, 1880-1881
Le Penseur, 1880-1881. Bronze, Musée Rodin, Paris.

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