Hall du Chrysler Building, 1927-1930
Art,  Français

1000 Chefs-d’œuvre des Arts décoratifs : Quand la beauté rencontre l’artisanat

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre 1000 Chef-d’œuvre des Arts décoratifs (ISBN: 9781783109548), écrit par Victoria Charles et avec la collaboration d’Eugénie Vaysse, publié par Parkstone International.

Les arts décoratifs et industriels sont, comme toutes les formes de l’art, une expression de la vie : ils évoluent d’âge en âge avec les besoins, moraux ou matériels, auxquels ils doivent répondre. Modernes par leur programme, ils le sont aussi par les moyens, sans cesse renouvelés, que leur fournit la technique. Si le programme détermine les formes, la technique n’y est pas étrangère : tantôt elle les limite par ses imperfections, tantôt elle les développe par ses ressources. Parfois, c’est elle-même qui les impose. Jadis le tissage fut créé par la nécessité de se vêtir. Ses progrès ont déterminé ceux des arts textiles. De nos jours, la concurrence commerciale a créé la publicité : l’affiche en est une des manifestations ; la chromolithographie en a fait un art. Les chemins de fer n’auraient pu exister sans les progrès de la métallurgie : ceux-ci ont donné naissance à une architecture nouvelle.

Bouteille, dynastie Mamelouk, milieu du XIVe siècle, Arts décoratifs
Bouteille, dynastie Mamelouk, milieu du XIVe siècle. Verre émaillé. Musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne. Oriental.

Le parallélisme des besoins de la vie et des techniques qui y pourvoient est une règle qui ne comporte pas d’exception. L’art ne peut pas suivre une autre voie. Si les formes qu’il crée sont déterminées par ces besoins et ces techniques, elles ne peuvent être que modernes. Plus elles sont logiques, plus elles ont chance d’être belles. Si l’art veut imaginer, sans raison, des formes originales, il s’égare dans des fantaisies qui passent vite, parce que rien ne les justifie. Les sources de l’inspiration ne font pas le modernisme. Pour nombreuses qu’elles soient, elles ne sont pas illimitées : ce n’est pas aujourd’hui que les artistes ont imaginé de tirer parti de la géométrie et ce n’est pas hier qu’ils ont, pour la première fois, puisé dans le règne végétal. Les orfèvres romains, les ciseleurs du temps de Louis XIV, les brodeurs japonais ont traduit la flore plus fidèlement peut-être que l’on ne le fit en 1900. Certaines poteries modernes s’apparentent aux oeuvres primitives des Chinois ou des Grecs. Peut-être n’est-il pas paradoxal de prétendre que les formes nouvelles du décor ne sont que des formes anciennes tombées dans l’oubli. Excès d’imagination, abus des courbes compliquées, manie des ornements végétaux, telles demeurent, de siècle en siècle, les critiques adressées aux fantaisies des devanciers par les restaurateurs des lignes droites, ces lignes que la vision romantique de Delacroix qualifiait de monstrueuses. D’ailleurs, de même que dans toute assemblée il y a une droite et une gauche, il y a toujours eu, parmi les artistes, des anciens et des modernes, d’âge ou de tempérament. Leurs querelles paraissent d’autant plus vaines, qu’avec un peu de recul on aperçoit les caractères communs de leurs créations, qui en constituent le style.

Vierge à l’Enfant : Nostre Dame de Grasse, 1451-1500, Arts décoratifs
Vierge à l’Enfant : Nostre Dame de Grasse, 1451-1500. Calcaire, 75 x 112 x 38 cm. Musée des Augustins, Toulouse. Gothique.

Le style d’une époque est marqué dans toutes ses productions et l’individualisme des artistes n’en exempte pas leurs oeuvres. II serait excessif de prétendre que, pour être moderne, l’art doive se limiter aux visions actuelles. Il n’en est pas moins vrai que la représentation des moeurs et des costumes contemporains a été, de tout temps, l’un des éléments du modernisme. Le style d’un cratère corinthien provient de sa forme, dictée par la coutume de mélanger l’eau et le vin avant que de les servir ; il tient encore à son exécution dans une poterie tendre. Mais il résulte aussi de son décor : les scènes qui y étaient peintes représentaient la vie contemporaine ou transportaient la mythologie dans son cadre.

Si l’on songe que la mécanique Jacquard et le métier à dentelle, que la grande métallurgie, le gaz d’éclairage, datent du début du XIXe siècle, il est curieux de constater que le seul intérêt qu’on y prit fut de les utiliser pour recopier les soieries anciennes, les dentelles à l’aiguille ou aux fuseaux, pour faire du faux appareil de pierre et allumer des bougies de porcelaine. Aussi faut-il admirer ceux qui osèrent employer dans la construction la fonte et le fer laminé apparents. Ceux-là furent les premiers à renouer avec la tradition du modernisme dans l’architecture : ils sont les vrais descendants des maîtres d’oeuvre de nos cathédrales. Par là, Polonceau, Labrouste, Eiffel sont peut-être les auteurs de la renaissance du XXe siècle, plutôt que les décorateurs charmants qui, à la suite de Ruskin, tentèrent de rompre avec le pastiche et de créer a priori un nouveau style s’inspirant de la nature.  

Secrétaire à cylindre du cabinet intérieur de Louis XIV à Versailles, 1760-1769, Arts décoratifs
Jean-François Oeben et Jean-Henri Riesener, 1721-1763 et 1734-1806, Français. Secrétaire à cylindre du cabinet intérieur de Louis XIV à Versailles, 1760-1769. Bronze et placage de bois d’essences différentes, porcelaine de Sèvres, 147,3 x 192,5 x 105 cm. Châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles.

La vision de la nature, transposée littéralement et traduite dans les oeuvres d’Émile Gallé, ne pouvait se concilier avec les exigences de la destination et de la matière. « D’une courge, écrivait alors M. Robert de la Sizeranne, sort une bibliothèque, d’un chardon un bureau, d’un nénuphar une salle de bal. Un bahut est une synthèse, un gland de rideau une analyse, une pincette un symbole ». La recherche du nouveau emprunté à la poésie de la nature, en rupture volontaire avec les lois de la construction et les traditions de l’histoire, devait heurter tout à la fois le bon sens et le bon goût. Copier la nature dans sa fantaisie au lieu de l’étudier dans ses lois était une erreur aussi lourde que de pasticher les formes du passé sans regarder à quoi elles s’appliquaient. Ce ne fut qu’une mode : la mode n’est pas le modernisme.

Renouer avec la tradition par tout ce qu’elle a de logique, trouver dans la destination des objets et dans les moyens techniques de les réaliser une expression neuve qui ne soit ni la contradiction ni l’imitation de formes antérieures, mais en constitue la suite naturelle, tel est l’idéal moderne du XXe siècle. Cet idéal subit une influence nouvelle, celle de la science. Comment les artistes demeureraient-ils étrangers à la présence latente, familière, universelle de ce néo-machinisme, véhicule des échanges entre les hommes : paquebots, locomotives, avions, qui assurent la maîtrise des continents et des mers, antennes et récepteurs qui captent la voix humaine sur toute la surface du globe, câbles qui jalonnent les routes éveillées à une vie nouvelle, visions du monde entier projetées à grande vitesse sur l’écran du cinéma ? La machine a renouvelé toutes les formes du travail : forêts de cylindres, réseaux de canalisations, mouvement régulier des moteurs. Tout ce bouillonnement confus de la vie universelle pourrait-il ne pas agir sur le cerveau des décorateurs ?

Panneau : Joséphine Baker voilée, 1927, Arts décoratifs
Jean Dunand, 1877-1942, Français. Panneau : Joséphine Baker voilée, 1927. Laque. Collection famille Dunand.

Ainsi, de toutes parts, une époque transformée par le progrès scientifique et l’évolution économique, bouleversée politiquement et socialement par la guerre, s’affranchissait à la fois du pastiche anachronique et des illogiques fantaisies. Tandis que l’invention de l’artiste reprenait ses droits, la machine, cessant d’être un instrument de décadence intellectuelle par la diffusion des copies ou la contrefaçon des belles matières, faisait pénétrer partout les créations d’une esthétique originale et rationnelle. II manquait à ce mouvement mondial un soutien plus efficace de l’opinion, une compréhension plus claire du public. C’est cette consécration triomphale que pouvait lui apporter une Exposition. Mais, au lieu d’un bazar destiné à montrer la puissance de production respective des nations, il fallait qu’elle fût une présentation de choix tournée vers l’avenir.

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