Le Poisson d’or, 1925 – Huile et aquarelle sur papier monté sur carton, 49,6×69,2 cm. Hamburger Kunsthalle, Hambourg.
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Lumière sur Paul Klee. “Ichtus Sanctus”, saint parmi les siens.

L’œuvre de Paul Klee (1879-1940) étant aussi vaste qu’un océan – plus de 8000 œuvres produites – il était à propos de s’immerger en profondeur muni d’un masque et d’un tuba, pour observer quelques spécimens de poissons tant aimés de l’artiste.

Mais avant toute plongée, l’anguille sous roche étant un fléau encore tabou de nos jours, quelques précisions sur la symbolique du poisson. Le nom commun désignant « poisson » en grec n’est autre que le terme Iχθύς ou plus simplement ICHTUS en latin.  AMEN !, me dites-vous en chœur ! Eh oui BINGO (et non Bimbo qui était le chat de Klee) ! Car il s’agit bien du nom mystique attribué à… Jésus bien sûr ! Cela viendrait du repas post-résurrection, après une pêche providentielle, qu’il prépara pour ses disciples. À la suite de quoi la représentation du signe poisson devint un code entre les premiers chrétiens pour se reconnaitre entre eux sous le joug romain.

Klee était très croyant, aussi au-delà de l’intérêt direct qu’il avait pour l’animal marin, et sa manière de se mouvoir dans l’eau, il devait avoir conscience de cette emblématique judéo-chrétienne.

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Le Poisson d’or, 1925 – Huile et aquarelle sur papier monté sur carton, 49,6×69,2 cm. Hamburger Kunsthalle, Hambourg.

L’image d’un poisson saint se trouve d’ailleurs associée à la peinture Le Poisson d’or. Au milieu de la toile, un poisson, tout d’or paré, illumine l’obscurité et fait apparaître autour de lui d’autres poissons qui tentent de s’échapper du cadre. Le rouge et le jaune sont les teintes nuancées que partagent l’ensemble des actinoptérygiens (vous avez compris cela va de soi) ; le poisson central n’a de rouge que les membres, l’assimilant ainsi à ses semblables, tandis que l’aspect or de ses écailles le distingue des autres, lui conférant une certaine sacralité. Le poisson si soudainement apparu, possède une aura intérieure qui le transcende. Ainsi donc le miracle a lieu : l’Ichtus Sanctus est à nouveau parmi nous !

Hommes=Poissons, 1927. Huile et Tempera sur carton, 28,5×51 cm. Centre Paul Klee, Berne, Suisse.
Hommes=Poissons, 1927. Huile et Tempera sur carton, 28,5×51 cm. Centre Paul Klee, Berne, Suisse.

Le parallèle entre l’être humain et le poisson se fait plus explicite dans le tableau Hommes=Poissons. Trois têtes – un curieux moustachu, une femme et une symbiose des deux sexes – observent, comme derrière la vitre d’un aquarium, un poisson ou plutôt des poissons (cela se devine après une focalisation sur les nombreux globes oculaires qui jouxtent le poisson n°1). Un jeu de transparence donne à voir une quatrième tête de profil ainsi que d’autres poissons insérés dans le reflet des visages des hommes. L’eau dilue les différents plans pour ne former qu’un champ aquatique transitoire où la fusion peut opérer. La technique de la pulvérisation de peinture (gouache ou aquarelle projetée au moyen d’un vaporisateur ou d’une brosse frottée sur un tamis) sur une couche de plâtre, permet ces effets en trompe-l’œil.

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Poisson cloporte, 1940. Peinture à la colle et craie sur carton, 34×53,5 cm. Fondation Beyeler, Riehen, Suisse.

La peinture Poisson-cloporte, dernière de notre menu du jour, est exécutée avec les épais traits noirs caractéristiques des tableaux de la fin de sa vie. Ici le poisson n’est plus qu’un squelette : arrêtes au milieu d’autres arêtes. Le cloporte associé au poisson ramène l’animal totem à la terre. Pourtant ici point de carapace comme celle de l’insecte, mais une carcasse piquante. L’eau du bain bénie dans laquelle le poisson jouissait sans entraves laisse place à une mousse verte qui aura tôt fait de le recouvrir. La mort est amorcée mais la couleur encore subsiste, persiste et signe même, à l’image de l’artiste diminué par une sclérodermie mais continuant de ne faire qu’un avec la couleur[1].

Si vous aimez les poissons mais que vous les préférez avec du citron, pas de panique. La rétrospective consacrée à Paul Klee, intitulée « Paul Klee : l’ironie à l’œuvre », qui aura lieu du 6 avril au 1er août 2016 au Centre Georges-Pompidou, sera axée, comme son titre l’indique, sur l’ironie et la satire suggérées parmi 250 de ses œuvres dont certaines inédites en France ! Une jolie thématique qui saura vous séduire et peut-être vous faire sourire ! Enfin pour une vue d’ensemble sur son œuvre consultez les ouvrages Klee collection Focus, et Paul Klee collection Temporis  publié par Parkstone International.

Leïla Vasseur-Lamine

[1]D’après la citation de Paul Klee: « La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre. ».

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