
À la découverte de Satan et…L’Art du Diable
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre L’Art du Diable (ASIN: B016XN15NS), écrit par Arturo Graf, publié par Parkstone International.
NUL n’ignore le mythe poétique de la rébellion et de la revanche, ils abandonnent leurs morts, ce qui indique clairement chute des anges. S’il inspira à Dante certains des plus beaux vers de l’Enfer et à Milton un épisode inoubliable du Paradis Perdu, il fut soumis par les Pères et les Docteurs de l’Église à des variations multiples. Ce mythe ne se fonde pourtant que sur l’interprétation d’un verset d’Isaïe ainsi que sur quelques passages assez obscurs de l’Ancien Testament. Un autre mythe, de nature radicalement différente quoique tout aussi poétique, et qu’on retrouve aussi bien chez les écrivains hébreux que chrétiens, raconte comment les anges de Dieu, après s’être épris des filles des hommes, se livrèrent au péché ; et comment ce péché valut à ces mêmes anges d’être boutés hors du Royaume des Cieux et changés en démons.

Dans leurs vers, Byron et Moore devaient consacrer ce dernier mythe de façon plus durable. Chacune de ces histoires représente les démons en anges déchus et établit un lien entre leur chute et un péché : l’orgueil et l’envie dans le premier cas, l’adultère dans le second. Mais il s’agit-là de la légende, et non de l’histoire de Satan et de ses compagnons. Les origines de ce dernier, en tant que personnification universelle du Diable, sont beaucoup moins épiques, quoiqu’en même temps bien plus lointaines et profondes. Satan ne précède pas seulement le Dieu d’Israël, mais tous les dieux qui, par leur puissance et par la crainte qu’ils inspirent, marquèrent l’histoire de l’humanité. Il n’est pas tombé du Ciel tête la première. Il a surgi des tréfonds de l’âme humaine, de compagnie avec ces vagues déités des premiers temps, dont ni les pierres ni les hommes n’ont gardé le moindre souvenir. Contemporain de ces déités et souvent confondu avec elles, Satan commence à l’état d’embryon comme tout être vivant. Ce n’est que petit à petit qu’il grandit et devient une personne. À l’instar de tous les êtres, il n’échappe pas à la loi de l’évolution.
C’est d’abord dans le Judaïsme, puis dans le Christianisme, que le dualisme prend une forme et des caractéristiques spécifiques. Et bien qu’il soit possible, dans d’autres religions, voire dans les primitives, de discerner une sorte de fantôme de Satan, une forme qu’on pourrait qualifier – pour emprunter un terme à la chimie – d’allotropique, une forme baptisée de noms divers, parfois grossie, le vrai Satan, lui, pourvu des qualités qui lui sont propres et qui sont partie intégrante de sa personnalité, n’appartient qu’à ces deux religions, et à la seconde en particulier.

Petit à petit, Satan gagne en épaisseur pour adopter peu à peu sa forme définitive. Zacharie le représente en ennemi et accusateur du peuple élu, qu’il cherche à frustrer de la grâce divine. Dans le Livre de la Sagesse, Satan est un fauteur de troubles qui corrompt l’Œuvre de Dieu. C’est lui qui, dévoré par l’envie, poussera nos premiers parents à pécher. Il est le poison qui souille la création. Dans le Livre d’Enoch, en revanche, surtout dans la partie la plus ancienne, les démons sont juste épris des filles des hommes et par là même, pris aux pièges de la matière et des sens. Comme s’il s’agissait, au moyen d’un récit de cette nature, d’éviter de reconnaître un ordre d’êtres originellement diaboliques. Tandis que dans la section la plus récente du même livre, les démons sont des géants issus de ces unions.
Satan atteint le sommet de son développement et de sa puissance au Moyen Âge, au cours de cette période de troubles et de malheurs où le christianisme affiche une très grande vigueur. Il arrive à maturité en même temps que les diverses institutions et les traits marquants de cette époque. Et au moment où prospère l’art gothique à travers ses temples aux flèches majestueuses, le mythe de Satan, lugubre et incroyable, connaît lui aussi la prospérité dans la conscience des peuples chrétiens. Lorsque le treizième siècle se termine, il commence à décliner et à languir, à l’instar de la papauté, de la scholastique, de la féodalité et de l’ascétisme. Satan est enfant de la tristesse. Dans une religion comme celle des Grecs, resplendissante de vie et de couleurs, il n’aurait pas pu occuper de rôle majeur. Pour qu’il s’épanouisse pleinement, il lui faut des ombres, les mystères du péché et de la douleur, qui tels un linceul enveloppent la religion de Golgotha.

Satan est enfant de la peur ; et la terreur règne partout au Moyen Âge. Animées par une crainte invincible, les âmes humaines craignent la nature, riche de présages et de monstres ; elles craignent le monde physique auquel s’oppose le monde de l’esprit, son ennemi juré ; elles craignent la vie, cette perpétuelle incitation au péché et sa poudrière ; elles craignent la mort, derrière laquelle s’ouvrent les incertitudes de l’éternité. Rêves et visions tourmentent l’esprit des hommes. L’ermite en extase qui prie de longues heures, à genoux devant sa cellule, voit des armées grandioses et des hordes débridées de monstres apocalyptiques fendre les airs. Ses nuits sont illuminées par des présages ardents ; les étoiles déformées et baignées dans le sang annoncent un mal imminent. Pendant les périodes de fléaux qui fauchent les hommes comme des grains mûrs, on aperçoit des flèches, décochées par des mains invisibles, fendant les airs et disparaissant dans un sifflement. Et de temps à autre, sur le visage terrifié de la Chrétienté, on voit passer, comme une secousse annonciatrice de la fin du monde, la rumeur sinistre selon laquelle l’Antéchrist est déjà né et sur le point d’ouvrir le drame effroyable qu’avait prédit l’Apocalypse.
Satan croît dans l’ombre mélancolique des grandes cathédrales, derrière les piliers énormes, ou dans les renfoncements du chœur ; il s’épanouit dans le silence des cloîtres, où règne la stupeur de la mort ; dans le château assiégé, où un remords secret ronge le cœur d’un baron morose ; dans la cellule dissimulée où l’alchimiste éprouve ses métaux ; dans le bois solitaire où le sorcier trame ses formules magiques nocturnes ; dans le sillon, où le serf affamé jette, en jurant, la graine destinée à nourrir son seigneur. Satan est partout. On ne compte plus ceux qui l’ont vu, ni ceux qui se sont entretenus avec lui. Une telle haine trouvait en effet sa justification puisque c’était l’auteur de tous les maux qu’elle visait. Et plus on aimait le Christ, plus on était tenu de haïr Son ennemi. Mais là aussi, la crainte et la haine engendrèrent leur lot d’opinions extravagantes et de croyances exagérées. La figure de Satan en fit les frais. Aussi ces excès, après avoir été constatés par quelque esprit plus modéré, donnèrent lieu au proverbe : « Le Diable est moins noir qu’il n’est peint. »…

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