
Les Nabis : Aventure des artistes impressionnistes et postimpressionnistes
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Les Nabis (ASIN: B00FF5AQGI), écrit par Albert Kostenevitch, publié par Parkstone International.
Bonnard, Vuillard, Roussel, Denis, Vallotton sont entrés dans l’histoire de l’art en tant qu’artistes membres d’un même groupe, indépendamment des différences qui les séparent, plus nombreuses que les ressemblances qui les unissent. Leur jeunesse les voit réunis par leur appartenance à ce groupe au nom inhabituel de Nabi. Depuis bien longtemps déjà, nous avons classé leur Œuvre dans la rubrique du post- impressionnisme et nous nous sommes accoutumés à leur appellation conventionnelle. Cependant, ce terme de Nabis est bien loin de révéler toute la richesse des recherches artistiques des membres du groupe, mais c’est sans doute à cause de leur diversité qu’il n’a pas été possible, ni autrefois, ni aujourd’hui encore, de leur trouver une autre dénomination plus éloquente, sinon plus habituelle.
Le Musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg) possède un remarquable ensemble de toiles de Bonnard et de ses amis. Celui du Musée Pouchkine à Moscou est nettement moins important, mais reste d’une qualité exceptionnelle. Le présent ouvrage regroupe tous ces tableaux.

L’intérêt pour les Nabis s’est manifesté très tôt en Russie, bien que, comme partout en Europe, il fût le fruit de l’activité d’une petite poignée de collectionneurs ayant dépassé dans leur compréhension des destinées de l’art la société cultivée. Les travaux de Bonnard, Denis, Vallotton parvenaient à Moscou, puis à Saint-Pétersbourg peu après qu’ils eussent été peints ; certains furent parfois tout bonnement commandés à leur auteur. À cette époque, les rares collectionneurs russes qui s’intéressaient à la peinture moderne française devaient contrevenir au « bon ton ». Ils étaient tous des marchands, alors que les amateurs de peinture russes traditionnels étaient issus de l’aristocratie. Quelques entrepreneurs cultivés, dotés d’une formation nouvelle, habitués à ne s’en remettre qu’à leur propre jugement en affaires, agissaient avec la même résolution dans le domaine des beaux-arts. Deux d’entre eux, Sergueï Chtchoukine (1854-1937) et Ivan Morozov (1871-1921) réunirent des collections qui comptaient au nombre des meilleures du début du XXe siècle. Leurs hôtels particuliers de Moscou furent transformés en véritables musées des beaux-arts.
Le nom de Sergueï Chtchoukine est sans doute plus connu, ce qui n’a en soi rien d’étrange : son audace que d’aucun qualifiait de folie a très tôt attiré l’attention sur lui. Il rapportait déjà à Moscou les toiles les plus marquantes de Matisse, Derain, Picasso alors que Paris ne pouvait encore pas se remettre du choc qu’elles lui avaient causé. Aujourd’hui encore, les spécialistes continuent de s’étonner devant la parfaite exactitude de son choix. Il sut apprécier Matisse et Picasso, quand les connaisseurs se perdaient encore en conjectures ou s’agaçaient de leur peinture. Cependant, les Nabis attirèrent assez peu Sergueï Chtchoukine, sans doute parce qu’il lui semblait que leur peinture n’était pas assez révolutionnaire. Il ne possédait qu’une seule toile de Vuillard et quelques-unes de Denis : Portrait de Marthe Denis (La Femme du peintre), Marthe et Marie, La Visitation. Plus tard s’y ajouta une toile venant de son frère aîné Piotr, Figures dans un paysage de printemps (Le Bois Sacré), une des créations les plus réussies et les plus révélatrices de tout le symbolisme européen. Sergueï Chtchoukine considérait, et il n’était pas le seul, que Cézanne, Van Gogh, Gauguin étaient les grandes figures du post-impressionnisme et ne voyait dans la peinture de Bonnard et de ses amis que des œuvres d’ordre secondaire.

Le second ensemble de panneaux décoratifs appartenant à Morozov est, d’un point de vue actuel, supérieur au premier. Il est né de plusieurs commandes faites à Bonnard et se compose d’un triptyque intitulé Méditerranée, et des panneaux Premier Printemps au village et L’Automne, ainsi que La Cueillette des fruits. Bonnard exécuta ensuite à la demande de Morozov deux tableaux : Le Matin à Paris, et Le Soir à Paris. À l’égal du triptyque, cette suite est l’une des plus belles réussites de l’artiste.
Il y avait un autre collectionneur qui s’intéressait aussi à l’art des Nabis, il s’agit de Goloubev. Celui-ci, à un moment donné, s’était installé à Paris et c’est de cette ville qu’il envoya pour l’exposition de 1912 le Paysage automnal de Vuillard et Saint Georges de Denis. Cette exposition fut l’un des événements les plus importants de la vie culturelle russe du début du siècle. Elle symbolisait véritablement la reconnaissance de la peinture moderne, montrant les meilleures toiles de Manet, Renoir, Monet, Cézanne, Gauguin.

La génération de Bonnard et de ses amis se fit connaître à la fin du XIXe siècle. Issus de cette époque colorée, quelque soit la façon dont on la nomme, Belle Époque ou Fin de siècle, ils lui apportèrent eux-mêmes beaucoup. On peut établir différentes périodes dans l’histoire de l’art français. Mais, en définissant leurs grands traits caractéristiques, je voudrais en souligner trois, d’une durée à peu près égale. La première commence avec la domination des principes du classicisme et voit la montée du romantisme. La seconde est marquée avant tout par le réalisme qui se manifeste soit en tant que tel, soit en combinaison avec le romantisme et parfois même avec le classicisme renaissant, sous le nom d’académisme. La troisième période est caractérisée par la complexité brusquement croissante de la problématique picturale. Les époques précédentes résonnent encore des modes artistiques qu’elles ont engendrées, mais ces voix ne font que souligner avec plus de relief d’autres sons inhabituels et novateurs. L’évolution de la peinture s’accélère extraordinairement. Son langage s’enrichit de découvertes toujours plus nombreuses. Le rôle principal revient désormais à l’impressionnisme, indépendamment de la haine que lui vouent les cercles officiels, le public et la majorité des peintres.
Années 1860 : Édouard Manet joue le rôle du principal trublion de la tranquillité. Ses toiles révolutionnent la peinture comme jamais encore auparavant. Les impressionnistes lui succèdent. Les années 1870 sont le moment décisif de leur combat pour l’affirmation d’une approche nouvelle, sans idée préconçue de la réalité, pour le droit de peindre avec des couleurs pures et vives, parfaitement adaptées à la fraîcheur de leur perception. Années 1880 : s’appuyant sur les découvertes de Monet et de ses amis, Seurat et Signac d’un côté, Gauguin de l’autre, ouvrent des voies entièrement nouvelles. Leurs points de vue sont radicalement opposés : à la scientificité des néo- impressionnistes réplique le regard tourné vers le passé de Gauguinetdel’écoledePont-Avendontilestlechef defile.Venu de Hollande s’installer en France, Van Gogh dépasse l’impressionnisme et impose sa perception du monde et ses modes de représentation. Tous ces peintres s’écartent et s’éloignent de l’impressionnisme qu’ils avaient choisi à l’origine, mais sans l’impressionnisme, leur art se serait développé de façon absolument différente. Les toiles de Seurat et de Gauguin furent exposées durant la dernière exposition des impressionnistes (1886) où leurs divergences s’étalaient au grand jour. Et, dressant la liste des « hérétiques », il est impossible de ne pas mentionner deux contemporains des impressionnistes, Odilon Redon et, plus encore, Paul Cézanne, qui eurent conscience dès le début, de la valeur de leur peinture, mais aussi de la menace que constituaient la superficialité et le rejet des vérités éternelles de l’art.

Le terme de post-impressionnisme apparut rapidement. Il parut heureux, et son usage se répandit largement. Son imprécision reflétait l’impossibilité dans laquelle se trouvaient les critiques d’art de découvrir un principe formel unique caractérisant l’art des quinze dernières années du siècle qui venait de s’achever. Et néanmoins, l’impression de cette appellation est justifiée. Ce courant de la peinture française, qui s’était d’abord inspiré de la vision impressionniste du monde, s’engageait désormais sur des voies différentes qui la dépassaient. Il s’en suivit un enclavement stylistique inconnu jusqu’alors, à tel point qu’il devint impossible de trouver un dénominateur commun, formel ou conceptuel, à cette période extraordinaire de la fin des années 1880 au début du siècle suivant. Les Nabis n’eurent jamais de style collectif. L’originalité du groupe consistait précisément en ce que chacun de ses membres put travailler indépendamment des conceptions stylistiques, idéologiques ou religieuses des autres. Cependant, il est impossible de dire que les Nabis n’avaient pas de « plate-forme » artistique commune. Sans elle, le groupe ne se serait vraisemblablement pas constitué et aurait encore moins pu exister quelques années…
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