Edgar Degas, Au Café, vers 1876.
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La Tradition Pop Art – Une reponse a la Culture de Masse

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre La Tradition Pop Art (ASIN: B082KKBWNB), écrit par Eric Shanes, publié par Parkstone International.

Depuis la fin des années 1950, une nouvelle tradition a fait son apparition dans l’art occidental. Sa phase initiale, qui dura de 1958 à 1970 environ, fut rapidement baptisée Pop Art – terme qu’on s’accorde depuis toujours à réfuter puisqu’il embrouille souvent plus qu’il n’éclaire. L’appellation d’ “Art de la culture de masse” conviendrait davantage : en effet, lorsque le critique britannique Lawrence Alloway inventa le terme “Pop” en 1958, il ne l’associait à aucune forme artistique existante, et certainement pas à la culture “pop” telle qu’on l’entend aujourd’hui (même si ce mot a tendance à tomber en désuétude), désignant cette culture de jeunesse contestataire qui en était alors à ses premiers balbutiements. Il faisait allusion, au contraire, aux nouvelles formes d’expression créées par un nombre croissant d’individus d’un bout à l’autre du monde occidental, qui partageaient les mêmes valeurs et qui, grâce au niveau de vie en hausse et au développement des loisirs et des technologies bon marché, commençaient à avoir accès à toute une culture de masse. Le Pop Art, nous allons le voir, s’est toujours intéressé avant tout aux effets et aux produits d’une telle culture. L’expression “Art de la culture de masse” est donc plus exacte, (même si, pour éviter toute confusion, le mot “Pop” sera maintenu tout au long de ce livre). La culture de masse dans tout ce qu’elle a de riche et de complexe a, en outre, inspiré d’autres générations d’artistes qu’on n’associe jamais avec le Pop Art : il est donc essentiel de désigner sous le nom d’Art de la Culture de Masse la tradition que ceux-ci ont partagée avec les représentants du Pop Art des années 1960, sans quoi il serait pratiquement impossible d’établir un lien entre ces groupes d’artistes vivant à des époques et en des lieux différents. Ce livre a donc quatre objectifs : revenir sur les distinctions faites communément entre ce qui ressort du Pop Art et ce qui ne lui appartient pas grâce à cette nouvelle appellation ; explorer la tradition et les causes du Pop Art/Culture de Masse ; évoquer ses principaux acteurs ; et étudier en détail un échantillon représentatif d’œuvres créées par ces artistes.

D’un point de vue historique, l’émergence d’une culture de masse était inévitable, tout comme l’impact qu’elle allait avoir, tôt ou tard, sur la création artistique. Nous vivons à une époque de démocratie et d’innovations technologiques qui a débuté avec la Révolution Industrielle en Grande- Bretagne et les bouleversements politiques de la fin du XVIIIe siècle en France et aux Etats-Unis. L’industrialisation et la démocratisation se sont étendues et un nombre croissant d’individus qui en ont peu à peu récolté les bénéfices, à savoir la participation politique, l’épanouissement par le travail, le développement de l’individualisme, ainsi qu’un meilleur accès au logement, aux soins médicaux, à l’éducation, et à la mobilité sociale et physique. Ils en ont aussi payé le prix fort : la manipulation politique motivée par l’égoïsme et le cynisme ; l’exploitation économique tous azimuts ; la mondialisation aux dépens des identités nationales, régionales et locales ; un travail souvent ingrat et aliénant ; l’urbanisation effrénée ; l’industrialisation des zones rurales, avec tous ses méfaits pour l’environnement ; la pollution industrielle ; enfin, la perte généralisée des repères spirituels et sa cohorte d’irrationalisme, de superstition, de fanatisme religieux et de cultes divers, de nationalisme exacerbé, de romantisme quasi-politique, de massacres primitifs et industriels, et autres matérialisme, consommation affichée et culte des personnalités médiatiques. Toutes ces transformations et bien d’autres ont impliqué les institutions, les techniques industrielles et les produits créés pendant cette période, même si ce n’est qu’à partir de la naissance du Pop Art/Culture de Masse à la fin des années 1950 que certains artistes ont commencé à s’intéresser exclusivement aux tendances culturelles, aux techniques et aux produits de leur époque.

American Gothic (Gothique américain), 1930, La Tradition Pop Art - Une reponse a la Culture de Masse, Eric Shanes
Grant Wood, American Gothic (Gothique américain), 1930. Huile sur planche, 73,6 x 60,5 cm. Art Institute of Chicago, Illinois.

Au moment où Lawrence Alloway rédigeait sa définition du “Pop” en 1958, il faisait partie de l’Independent Group, cercle qui réunissait artistes, créateurs, architectes et critiques au sein de l’Institute of Contemporary Arts de Londres. Ceux-ci estimaient qu’il était temps, en ce milieu du XXe siècle, de prendre en compte l’essor considérable de la culture populaire et des formes d’expression qui lui étaient propres, le snobisme consistant à les rejeter en bloc pour leur vulgarité n’étant plus de mise. Bien entendu, c’est seulement à l’époque des technologies modernes que les artistes, qui souhaitaient s’adresser à un nombre croissant de consommateurs de produits industriels, ont eu les moyens techniques de le faire. Chaque nouvelle technologie de masse, depuis l’imprimerie de journaux jusqu’à l’appareil photo, en passant par la radio, la pellicule et le projecteur de cinéma, le poste de télévision, et jusqu’aux nouveaux médias, qui supplantent à l’heure actuelle leurs prédécesseurs à une vitesse vertigineuse et les relèguent aux oubliettes, a suscité de nouvelles réactions et créé un nouveau type d’imagerie visuelle, qui ne manquent pas d’intéresser artistes et créateurs. D’autre part, la culture populaire de masse est puissante et énergique : ses modes de transmission, tels que l’image filmée, la publicité, l’affiche et l’illustration dans les magazines ont une immédiateté que n’ont pas les œuvres plus intellectuellement complexes. Une pièce de Shakespeare, une symphonie de Beethoven ou une toile de Rembrandt, par exemple, nous demandent un peu plus d’effort qu’un film de Hollywood, un disque de musique pop, ou une affiche publicitaire. L’Independent Group arrivait donc à point nommé lorsqu’il proposa aux artistes et aux créateurs de s’inspirer de l’énergie et de la vitalité de la culture de masse – n’oublions pas qu’on était alors dans les années 1950, décennie marquée à travers le monde occidental par le redressement et la prospérité économiques d’après guerre. De nombreux autres artistes issus d’horizons divers qui n’avaient aucun lien direct avec le groupe britannique, ni même entre eux, en arrivèrent d’ailleurs aux mêmes conclusions au même moment, ce qui prouve bien la pertinence de leurs idées.

Cette convergence de groupes distincts vers les mêmes conclusions explique pourquoi, dans l’ensemble, le Pop Art/Culture de Masse ne constitua jamais un mouvement à proprement parler. Même si, à ses débuts, on assista à quelques échanges d’idées entre des artistes britanniques qui adhéraient à ses principes, ce ne fut pas le cas aux Etats-Unis, où il n’y eut que très peu de contacts entre ses sympathisants. C’est pourquoi il est peut- être plus judicieux de parler d’une dynamique culturelle plutôt que de mouvement. Il est vrai que sa naissance dans les années 1950 fut rendue possible par divers facteurs historiques, même si elle avait été précédée de nombreux signes avant-coureurs.

Campbell’s Soup (Turkey Noodle) [Soupe Campell (Nouilles à la dinde)], 1962, La Tradition Pop Art - Une reponse a la Culture de Masse, Eric Shanes
Andy Warhol, Campbell’s Soup (Turkey Noodle) [Soupe Campell (Nouilles à la dinde)], 1962. Sérigraphie à l’encre sur toile, 51 x 40,6 cm. Collection Sonnabend.

Bien entendu, l’humanité dans son ensemble avait été l’objet d’étude de nombreux artistes avant le milieu du XXe siècle. Les plus mémorables d’entre eux sont, aux XVIIIe et XIXe siècles, les peintres Francisco Goya, J.M.W. Turner et David Wilkie, qui montraient des personnages ordinaires occupés à leurs tâches et loisirs quotidiens. Ces deux derniers affectionnaient tout particulièrement les sujets “populaires” et représentaient leurs personnages dans leur vie de tous les jours, chez eux, au café ou à la fête du village, renouant ainsi avec une tradition qui remonte aux XVIe et XVIIe siècles, avec les peintres Pieter Bruegel l’Ancien, Adrian van Ostade et David Teniers le Jeune. Plus tard, au XIXe siècle, Gustave Courbet, Edouard Manet et Edgar Degas, entre autres, puisèrent eux aussi leur inspiration dans les milieux modestes, comme le montre Au Café, magnifique étude de l’aliénation, réalisée par ce dernier aux alentours de 1876. Ce tableau représente un homme à l’allure brutale et une femme maltraitée qui sont isolés mentalement l’un de l’autre et séparés spatialement de nous. Degas exerça par ailleurs une influence importante sur deux peintres majeurs qui s’intéressèrent directement à la culture populaire : l’Anglais Walter Sickert et l’Américain Edward Hopper.

Sickert suivait sans s’en cacher l’exemple de Degas, peintre des divertissements populaires tels que le cirque et le café-concert, dans ses représentations de scènes de music hall et de stations balnéaires. Plus tard dans sa vie, il peignit une série de toiles d’après des photos de journaux, dont il imitait le grain et l’aspect flou presque autant qu’il en copiait le sujet. Quant à Hopper, avec la peinture qu’il fit de la solitude urbaine, de l’anomie et de l’aliénation, autant d’effets pervers de la société et de la culture de masse, s’inspire également de Degas (en particulier du tableau Au Café, dont il avait vu une reproduction dans un livre publié en 1924). Vers la fin de sa vie, avec Gens au soleil, il s’attaqua même au culte hédoniste du soleil qui était devenu un élément essentiel de la vie moderne…

People in the Sun (Gens au soleil), 1960, La Tradition Pop Art - Une reponse a la Culture de Masse, Eric Shanes
Edward Hopper, People in the Sun (Gens au soleil), 1960. Huile sur toile, 102,6 x 153,4 cm. Smithsonian American Art Museum, Washington, D.C.

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