
Schiele : Sexe, Introspection et Violation des Tabous
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Egon Schiele (ISBN: 9781783102570), écrit par Esther Selsdon et Jeanette Zwingenberger, publié par Parkstone International.
Contrairement à Klimt, Schiele trouve ses modèles dans la rue : des jeunes filles issues du prolétariat et des prostituées. Dans le choix de ses modèles, il privilégie les femmes-enfants de type androgyne. Le corps frêle et maigre de ses modèles dénote leur appartenance aux classes inférieures, tandis que les dames plantureuses à la gorge pleine de la bourgeoisie manifestent leur appartenance sociale par une corpulence de personnes bien nourries. Néanmoins, le comportement de Sissi, l’impératrice légendaire, est symptomatique d’une époque où l’image traditionnelle de la femme commence à changer.
S’il est vrai qu’elle donne naissance à la descendance souhaitée, elle se rebelle contre le rôle de mère que l’on entend lui faire jouer. Son idéal, une silhouette virginale, la mène au bord de l’anorexie. Elle ne choque pas seulement la cour de Vienne par ses excursions équestres extravagantes, mais aussi par le fait qu’elle porte ses robes sans les bas que devait porter une dame digne de ce nom.

En cette époque de fin de siècle, Schiele fait le portrait de jeunes filles issues des classes ouvrières. Vienne est l’une des villes européennes ayant la plus forte proportion de prostituées. C’est justement au sein du prolétariat que ces messieurs de la bonne société trouvaient des « objets désirables » sans défense, qualité qu’ils contestaient à leurs épouses. Les jeunes corps maigres des dessins de Schiele font presque pitié, des taches rouges recouvrent leur peau diaphane et leurs mains squelettiques. Cependant, leurs corps sont tendus, les organes génitaux rouges sont gonflés et avides. À l’image de petites bêtes, ils guettent le regard lubrique du spectateur. Malgré leur jeune âge, les modèles de Schiele sont conscients de leurs charmes érotiques et les mettent en scène avec habileté. La main posée sur le vagin, dans un geste de masturbation, s’ajoute au regard provoquant du modèle.
Les dessins de Schiele illustrent la simple acceptation du corps et l’aisance vis à vis de la sexualité existant dans les classes inférieures pour qui l’amour vénal fait partie du pain quotidien, en opposition aux interdits d’ordre hygiénique en usage au sein des classes supérieures (à savoir, entre autres, le fait de ne pas trop s’attarder à la toilette du bas-ventre ou de ne pas s’exposer nu aux regards d’autrui). Le public viennois s’indigne profondément contre Schiele, clamant qu’il « dessine le vice le plus abject et la dépravation la plus profonde », alors qu’il confronte les spectateurs, et les spectatrices à leur propre sexualité hypocrite. Il écrit dans une lettre : « Je me fais une publicité terrible avec mes dessins interdits », et il cite cinq journaux renommés qui parlent de lui. Ses dessins de nus sont-ils juste une stratégie de vente destinée à faire parler de lui ?

L’image de la femme chez Klimt est encore fondée sur l’analogie du corps féminin en tant que personnification de la nature, les boucles se transforment en plantes stylisées et la silhouette ondoyante se fond dans une atmosphère solennelle. Schiele, quant à lui, rompt avec le « beau culte » des décors floraux du Jugendstil. C’est précisément là où Klimt s’est parfois heurté à l’autorité, à savoir dans le domaine de l’atteinte à la pudeur, que Schiele trouve son sujet principal. De manière radicale, il dépouille ses personnages de tout accessoire ornemental et se concentre exclusivement sur leurs corps. Mais contrairement aux nus académiques qui se limitent essentiellement à recopier de façon neutre l’anatomie, Schiele se penche sur le corps érotisé. Il sait parfaitement que la stimulation visuelle a un effet érogène et il lance des signaux érotiques en jalonnant ses oeuvres de bouches maquillées de rouge, de lèvres vaginales charnues et d’yeux aux cernes sombres et lunaires. La femme de Vue en rêve (Die Traumbeschaute) ouvre sa vulve, l’autre face de son corps.

La ligne du contour évoque la présence physique et se transforme en délimitation de l’espace à la façon d’une sculpture. Schiele renonce à toute indication du lieu ou du temps. Telle une personne qui s’observe dans un miroir et ne s’intéresse qu’à son visage et à son corps, tel un amant oubliant dans le corps de sa bien-aimée le monde qui l’entoure, c’est devant le miroir que Schiele crée ses autoportraits et certains de ses nus féminins. Le dessin intitulé Schiele dessinant un modèle nu devant un miroir en témoigne. La scène est très révélatrice, le dédoublement de la femme nue que l’on voit représentée de face et de dos trahit bien la réflexion, mais le spectateur se trouve à la place du miroir (ou de l’artiste lui-même). Celui-ci fait donc office de miroir dans lequel se mire le modèle et, dans le regard du spectateur, la jeune femme s’assure de son corps et le fait évoluer. L’intimité qui existe entre le peintre et le modèle se retrouve ainsi dans la relation du spectateur au dessin…

Voir plus sur:
Historisches Museum der Stadt Wien
Lieu de naissance d’Egon Schiele
Pour mieux connaître ce sujet, continuez cette passionnante aventure en cliquant sur: Amazon US, Amazon UK, Amazon Australia, Amazon French, Amazon German, Amazon Mexico, Amazon Italy, Amazon Spain, Amazon Canada, Amazon Brazil, Amazon Japan, Amazon India, Amazon Netherlands, Parkstone International, Ebook Gallery, Kobo, Barnes & Noble, Google, Apple, Overdrive, Ellibs, Scribd, Bookbeat, Numilog, bol.com, Academic Books, FNAC, AbeBooks, Book Depository, Decitre, Librairie Obliques

