A Paris Street in the Rain, 1877
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Bonnard et les Nabis – La peinture de l’artiste postimpressionniste rebelle

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Bonnard et les Nabis (ASIN: B016XN129K), écrit par Albert Kostenevitch, publié par Parkstone International.

En octobre 1947, le musée de l’Orangerie à Paris organisa une grande exposition posthume des œuvres de Bonnard. A la fin de cette même année parut un numéro de l’influente revue Cahiers d’Art. Dans son article, figurant en première page, « Pierre Bonnard est-il un grand peintre ? », l’éditeur des Cahiers, Christian Zervos se faisait l’écho de l’exposition. Tout d’abord, Zervos en saluait l’importance dans la mesure où auparavant seules de rares expositions de peu d’envergure permettaient de juger de l’œuvre de Bonnard. Mais, poursuivait Zervos, celle-ci l’avait déçu, car les mérites de l’artiste ne nécessitaient pas pareille exposition : « …Bonnard, ne l’oublions pas, a vécu ses premières années de travail sous le beau rayon de l’impressionnisme. Il fut en quelque sorte le dernier organe assimilateur de cette esthétique. Mais ce fut un organe si faible qu’il n’en a jamais recueilli la veine vigoureuse. Peut-on s’en étonner ? Dépourvu de nerf et faiblement original, il était impuissant à donner de l’essor à l’impressionnisme, en transfuser le sang dans une langue neuve, remettre ses éléments sur le métier ou, à la rigueur, les tourner à neuf. Bien qu’il soit persuadé qu’on ne doit plus considérer la peinture comme un art de sensation pure, selon la règle impressionniste, il ne peut pas faire intervenir l’esprit, et bien qu’il soit certain qu’il ne s’agit plus pour l’artiste de reconstituer le monde, il ne trouve pas en lui les possibilités de le constituer, comme l’ont fait de son temps les peintres qui ont eu la chance, dès la première heure, de réagir avec force contre l’impressionnisme. Entre ses mains, celui-ci décline et dépérit ».

Article de Christian Zervos, Cahiers d’art, 1947, Bonnard et les Nabis, Albert Kostenevitch
Article de Christian Zervos, Cahiers d’art, 1947, annoté par Matisse, janvier 1948. Collection particulière.

Cet éditorial de Zervos était-il une attaque personnelle ? Vraisemblablement, non. Zervos se faisait simplement le porte-parole de l’avant-garde qui, dans sa logique, concevait l’histoire de l’art moderne comme une succession de mouvements anticonformistes qui créaient chacun leur monde, monde toujours plus éloigné de la réalité. Pendant que l’histoire de la peinture se développait sous l’aspect de chronique des courants d’avant- garde, il restait à Bonnard et à ses semblables peu d’espace, d’autant plus que lui-même n’avait jamais cherché à attirer l’attention et se tenait à l’écart du combat. Il ne vivait pas à Paris et était assez rarement exposé.

Au sein même de cette avant-garde, tous n’auraient pas signé l’article de Zervos. Picasso, contrairement à son admirateur qui venait d’éditer le catalogue complet de ses dessins et tableaux, reconnaissait la valeur de la peinture de Bonnard. Lorsque ce numéro des Cahiers d’Art tomba entre ses mains, Matisse nota avec fureur dans la marge, de son écriture large : « Oui! Je certifie que Pierre Bonnard est un grand peintre pour aujourd’hui et sûrement pour l’avenir. Janv. 48 ».

Pierre Bonnard, La Revue Blanche, 1894, Bonnard et les Nabis, Albert Kostenevitch
Pierre Bonnard, La Revue Blanche, 1894. Lithographie en 4 couleurs, 80 x 362 cm, National Gallery of Art, Washington.

Matisse était dans le vrai. Dès le milieu du XXe siècle, l’œuvre de Bonnard attire les jeunes peintres plus qu’elle ne le faisait dans les années vingt et trente, par exemple. La gloire vint à Bonnard d’une étrange façon. Dans une certaine mesure, il se fit tout de suite un nom, ne connut ni le besoin, ni la réprobation, alors que les coryphées de l’art moderne ne connurent la célébrité que plus tard, souvent après leur mort. Le stéréo-type de l’avant- garde en usage dans la première moitié du XXe siècle, du peintre maudit, bohème, pauvre, ignoré et aux prises avec les normes établies, ne saurait être associé à Bonnard. Ses toiles se vendaient. Il disposa de bonne heure parmi les peintres et les collectionneurs d’un cercle d’admirateurs fidèles sur lesquels il pouvait compter. Cependant, ces derniers n’étaient pas nombreux. Longtemps, la peinture de Bonnard ne connut pas la ferme reconnaissance générale qu’elle méritait. Pourquoi donc, tout au long d’une vie qui fut loin d’être brève, Bonnard ne parvint-il pas à attirer suffisamment le public ? Cela tient sans doute au caractère et au mode de vie de l’artiste qui fuyait la publicité, les déclarations et même les expositions. Voici qu’en 1946 les organisateurs du Salon d’Automne décidèrent d’organiser une grande exposition de son œuvre. « Une rétrospective ? », demanda Bonnard, « est-ce que je suis déjà mort ? ».

La structure même de l’art de Bonnard jouait aussi un certain rôle, ignorant l’efficacité de l’influence immédiate, les nuances fluides et fuyantes de son art ne se livrent pas au spectateur qui n’a pas su développer en lui-même un sens aigu de la perception. Il y a encore une raison à cette réserve du public envers Bonnard : sa vie n’eut rien d’extraordinaire, aucun événement sensationnel ne vint la perturber. On ne peut pas la comparer avec celle que connurent Van Gogh, Gauguin, Toulouse-Lautrec. Il n’y avait pas de quoi faire une légende. L’opinion publique, qui sait porter au pinacle ceux qu’hier encore elle ignorait ou haïssait, a tant besoin de légendes ! Il suffit de gommer certains traits, d’oublier certains détails délicats, les légendes aiment la simplicité.

Pierre Bonnard, Portrait de Berthe Schaedlin, 1892, Bonnard et les Nabis, Albert Kostenevitch
Pierre Bonnard, Portrait de Berthe Schaedlin, 1892. Huile sur toile, 31 x 16,5 cm, Galerie Daniel Malingue, Paris.

Mais le temps a fait son œuvre. Ces dernières décennies ont vu changer les sentiments du public à l’égard de Bonnard. Les rétrospectives de son œuvre qui eurent lieu en 1984-1985 à Paris, Washington, Zurich et Francfort-sur-le- Main furent des événements culturels qui connurent un large succès. Quelle fut donc la vie de Bonnard? Il passa sa plus tendre enfance à Fontenay-aux- Roses, près de Paris. Son père était chef de bureau au Ministère de la guerre et sa famille le destinait à faire carrière dans les affaires. Mais l’impulsion initiale imprimée par le milieu bourgeois dont il était issu et qui l’avait conduit à la faculté de droit, commença bientôt de faiblir. Bonnard assiste plus aux cours de l’académie Julian, puis de l’École des beaux-arts, qu’à ceux de la faculté de droit. Le rêve que les élèves de l’École chérissent le plus est de recevoir le Prix de Rome. Bonnard y restera un peu moins d’un an. Il en partira après son échec au concours du Prix de Rome. Le tableau qu’il y présentait sur le thème imposé le Triomphe de Mardochée ayant été jugé insuffisamment sérieux. Les petits paysages peints durant l’été 1888 au Grand-Lemps, dans le Dauphiné, sans recourir aux recettes de l’École des beaux-arts doivent être considérés comme le véritable début de l’œuvre de Bonnard. Ses amis, Sérusier, Denis, Roussel, Vuillard en font grand cas. Ce sont des études des environs du Grand-Lemps, d’une composition simple et au coloris frais qui révèlent un rapport poétique à la nature qui n’est pas sans rappeler Corot…

Pierre Bonnard, La Vie du peintre, Bonnard et les Nabis, Albert Kostenevitch
Pierre Bonnard, La Vie du peintre, Feuilles d’un cahier de dessins. Crayon et plume, touche de lavis, vers 1910. Collection particulière.

Découvrez les œuvres de Pierre Bonnard ici :

Musée Bonnard

Musée d’Orsay, France

Musée de Grenoble

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