
L’art de la chaussure – Une histoire de 40.000 ans
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre L’Art de la Chaussure (ISBN: 9781783108237), écrit par Marie-Josèphe Bossan, publié par Parkstone International.
Objet nécessaire de la vie quotidienne auquel les contemporains ne s’intéressent guère que par souci de confort et d’élégance, la chaussure revêt une grande importance pour l’histoire des civilisations et elle n’en est pas dépourvue pour l’histoire de l’art. Après une longue traversée de treize longs jours, cher ami, je suis mouillé devant la rive africaine et en vue de cette ville, la première de l’empire du Maroc avec laquelle nous ayons communication.
L’Empire ottoman
Voyageur curieux, Jean-Etienne Liotard s’embarque pour Constantinople en 1738. En observateur attentif, il dessine et peint les personnages qu’il rencontre, ce qui lui vaut d’être reconnu comme le « peintre turc » de cette Europe des Lumières. Ici, ce portrait, d’une précision photographique, restitue avec exactitude ces patins, dans leur contexte d’utilisation, protégeant leurs propriétaires de l’humidité. On observe d’ailleurs que l’esclave, contrairement à sa maîtresse, n’a pas de chaussure et se contente de peindre ses pieds de henné.

En Turquie et dans de très nombreux pays orientaux, les femmes se rendent au bain avec des patins à hauteur variable. En bois, incrusté de nacre ou d’ivoire, recouverts d’argent, au bandeau richement brodé de fil d’or ou d’argent, ils offrent un vaste panorama de la richesse de l’ornementation de ces pays. Leurs décors d’incrustations sont tout à fait semblables aux vantaux des portes et des fenêtres, aux meubles, aux chaises à prêcher, les minbar, comme le souligne très justement Jean-Paul Roux.
La Perse
Après la mort d’Alexandre en 323, l’Iran tombe en sommeil. La décomposition des deux empires sassanide et byzantin facilite la prise de pouvoir par l’Islam.
Avec l’âge d’or de la dynastie des Séfévides (qui régnent sur la Perse de 1501 à 1736), les voyageurs occidentaux restent émerveillés. C’est le cas du français Chardin (1699-1779) qui passe dix ans en Perse autour de 1660. Selon lui, même les pauvres sont bien vêtus et portent des ornements d’argent aux bras, aux pieds et au cou.

Contrairement à l’Occident hellénisé, les chaussures des pays orientaux se caractérisent par la permanence des formes. La grammaire décorative se transmet de siècle en siècle.
D’ailleurs, on constate sur les semelles des bottes perses d’apparat des XVIIe et XIXe siècles, notamment, des motifs floraux stylisés empruntés au vêtement porté par Assurbanipal au VIIe siècle avant J.-C.
Inde
Vers 2500-2000 avant J.-C., une grande civilisation se développe dans la vallée de l’Indus. Les fouilles de Harappâ (Penjab) et de Mohenjo-daro (Sînd) livrent des sceaux contemporains de la période d’Akkad, du temps du roi Sargon. Aussi, bien avant l’époque de Bouddha, cette découverte rend-elle évidents les liens du monde indien avec les villes sumériennes. Faut-il voir là l’origine de la chaussure traditionnelle à bout relevé en Inde ? La question reste posée.
Comme en Mésopotamie, en Inde, la chaussure à bout relevé ornée d’un pompon devient un privilège réservé au roi.
On peut lire de nombreuses mentions de chaussures dans la littérature de l’Inde ancienne, mais leur figuration est relativement rare dans l’iconographie. En effet, la partie inférieure des reliefs narratifs, des sculptures en pied et des peintures murales est souvent détériorée. D’autre part, les scènes représentées illustrent généralement des événements se déroulant dans des lieux où le port de la chaussure n’est pas toléré ou non indispensable.

En Inde, comme dans beaucoup de pays asiatiques, on ne circule pas chaussé dans l’enceinte privée du palais, ni dans les temples.
Valmîki, auteur légendaire du Râmâyana, raconte que le roi Râma (une des incarnations de Vichnou dans la mythologie hindoue) exilé dans une forêt, se fait représenter dans sa capitale par ses chaussures incrustées d’or. Elles règnent donc à sa place pendant les trois ans de son absence. Tous les arrêts décidés par son frère régent sont proclamés devant les dites chaussures. Un conte bouddhique reprend le même thème en y ajoutant une précision supplémentaire : quand les arrêts rendus en présence des chaussures royales sont justes, celles-ci restent immobiles, mais elles se dressent pour protester lorsque les arrêts ne sont pas conformes à la loi.
Chine
La grande spécificité de la Chine en matière de chaussures réside certainement dans la tradition des pieds bandés des femmes. Cela mérite une analyse particulière.
On suppose l’origine de la déformation des pieds des Chinoises très ancienne. Elle serait née dans le milieu aristocratique. Selon un historien chinois, en 1100 avant Jésus-Christ, l’impératrice Ta Ki a un pied bot. Elle persuade son mari de décréter obligatoire la compression des pieds des petites filles pour les rendre semblables à ceux de leur souveraine, devenue le modèle de beauté et d’élégance. À l’époque de Confucius (555 av. J.-C.-479 av. J.-C.), cinq siècles avant Jésus-Christ, on vante déjà la beauté des petits pieds considérés comme une preuve de bonne naissance, alors que les grands pieds sont synonymes de basse extraction sociale.

D’autres sources attribuent l’invention du bandage des pieds à la courtisane Pan Fei, favorite de l’empereur Xiao Bao Kuan (règne : 499-501). En réalité, il n’en est rien, mais on lui doit l’expression « Lotus d’or ». Voici pourquoi : un jour, alors qu’elle danse pour le plaisir de son impérial amant, sur un parquet incrusté de fleurs de lotus dorés, le souverain émerveillé s’écrie : « Voyez, chacun de ses pas fait naître un lotus d’or ! » Depuis, cette métaphore désigne les petits pieds des Chinoises.
Amérique du Nord
On désigne par le terme de mocassin la chaussure traditionnelle des Indiens d’Amérique du Nord. Les mocassins sont confectionnés en peaux d’animaux, soit d’une seule pièce soit en deux parties avec une semelle rapportée. La préparation des peaux, le tannage et la fabrication des mocassins sont des tâches réservées aux femmes. Celles-ci utilisent les peaux de bison, de mouflon, de cerf et d’élan. La cervelle de bison est utilisée pour le tannage des peaux. La peau de cet animal sert à confectionner les tipis, les couvertures et les semelles des mocassins.

Ceux des hommes, des femmes et des enfants sont identiques. Les perles de verre apparaissent en Amérique avec l’arrivée des explorateurs espagnols à la fin du XVe siècle. Elles sont utilisées comme monnaie de troc par les trappeurs. Les perles bleues proviennent de Venise. Le commerce des perles avec les Européens débute au XVIIe siècle. Les Indiens des plaines abandonnent progressivement la broderie de piquants de porc-épic à des périodes différentes selon les tribus. Les premières perles sont utilisées vers 1840. Leurs couleurs peu nombreuses limitent l’ornementation à un simple décor géométrique…
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