
La confrérie de l’inspiration : Démêler les Le Préraphaélisme
Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Le Préraphaélisme (ISBN: 9781783103591), écrit par Robert de la Sizeranne, publié par Parkstone International.
Mais qu’est-ce au juste que ce vainqueur ? Il est temps de s’interroger, puisque le tournoi est fini, qu’il lève la visière baissée sous laquelle il a combattu. Car, « préraphaélisme » est un terme plus mystérieux qu’explicatif et il devait y avoir plus de disputes, une fois la cause gagnée, pour savoir ce qu’il voulait dire, qu’il n’y en avait eu, pendant la lutte, pour le faire accepter. On y a vu les choses les plus diverses et les plus contradictoires. On y a vu le mépris de Raphaël, alors que Hunt, qui est non seulement un des préraphaélites, mais bien le préraphaélite par excellence, nous avertit dans ses mémoires que les grandes admirations de sa jeunesse furent les Raphaël de la National Gallery. On y a vu le parti pris d’imiter le style maigre et dur des primitifs, quand un seul coup d’oeil jeté sur les amples poitrines, les rondes épaules et les bouches sensuelles des femmes de Rossetti évoque toutes les opulences et toutes les splendeurs des renaissants.

On y a vu un réalisme intransigeant, uncompromising truth, sans le mélange d’aucun élément imaginatif, mais c’est justement l’élément imaginatif qui frappe, dès qu’on regarde une des oeuvres de l’école : La Lumière du monde de Hunt, Le Rêve de Dante de Rossetti. On y a vu alors un idéalisme transcendant, une branche de la grande renaissance gothique et religieuse, qu’on a nommé le mouvement d’Oxford, et l’on a fait des rossettistes les collaborateurs, inconscients sans doute, mais zélés et fidèles, de Keble, de Newman et de Pusey. Cela peut être, mais la définition du préraphaélisme n’en est guère plus avancée, car vouloir caractériser un tableau préraphaélite, en disant qu’il s’inspire du mouvement d’Oxford, c’est proprement tenter d’expliquer le système d’une serrure en décrivant les opinions politiques du serrurier. Les affinités qui rattachaient les rossettistes au « puseyisme » (courant théologique anglais aussi connu sous le nom de « mouvement d’Oxford ») auraient pu être beaucoup plus fortes et cent fois plus évidentes, sans pour cela conduire Hunt à peindre sur toile blanche ou Millais à proscrire le bitume de ses préparations.
Il fallait quelque chose de plus précis et de plus adéquat à la matière. Alors, on a réduit le préraphaélisme à un ou deux procédés d’étude, tels que la recherche minutieuse du détail infinitésimal, voulue par Ruskin, et la substitution du modèle vivant au mannequin, avec cette liberté de choisir, pour une vierge, un Jésus, un héros, le modèle que l’on trouvait le plus propre à en donner l’idée, mais avec cette obligation, une fois le modèle choisi, de s’y tenir expressément et de le copier scrupuleusement, sans y mêler les traits de quelque autre figure, ni l’idéaliser de quelque souvenir.

Mais, cette définition manque totalement de comprendre Madox Brown et Rossetti parmi les préraphaélites. Car, Madox Brown n’a jamais admis que l’artiste s’interdise la fusion de plusieurs modèles et Rossetti, sauf dans deux ou trois occasions, a passé sa vie à peindre ses figures d’après un mannequin ou même d’après rien du tout, out of his own consciousness. Quant à faire des préraphaélites des Meissoniers d’outre-Manche, des entomologistes de la peinture, c’est assez bien caractériser les premières oeuvres de Millais et de Hunt, mais c’est complètement oublier celles de Rossetti. Lorsqu’on est à la Tate Gallery et qu’on voit la Beata Beatrix au milieu des tableaux des académiciens de 1830, c’est-à-dire des adversaires du préraphaélisme, ce qui frappe c’est précisément l’absence de détails dans l’oeuvre du préraphaélite et leur abondance dans celles des académiciens.
Enfin, las d’imaginer des définitions qui manquent chaque fois certains des objets à définir, certains critiques se sont élevés à des considérations générales, faisant comme ces prédicateurs de village qui, lorsqu’ils s’embrouillent dans leurs explications, s’avisent de parler latin : « oui, s’écrie l’un d’eux, le mouvement préraphaélite fut quelque chose d’autrement considérable qu’une simple révolution dans l’idéal ou dans les méthodes de la peinture. Ce fut une des vagues de ce grand courant de réaction, de protestation et de rébellion qu’a toujours élevées notre siècle contre toute autorité artificielle, contre toutes les traditions et toutes les conventions, dans n’importe quelle branche de la vie. Au point de vue social, il a éclaté avec la Révolution française ; il a trouvé son expression dans le mouvement poétique qui l’a suivie, dans Coleridge, Shelley et Keats.

Il est passé de l’éthique à la politique, il a touché tout ce qui est la morale et tout ce qui est la science, il a réagi sur la littérature entière de l’Europe, depuis la psychologie jusqu’à la fiction, du drame jusqu’au poème lyrique. Schumann et Chopin l’ont insufflé dans la musique. Darwin, en réformant le monde de la science, a jeté dans la doctrine de l’évolution les bases de la nouvelle cosmogonie… ». Arrivé là, on perd pied tout à fait et l’on sent qu’une école d’art, qui ressemble à tant de choses étrangères à l’art, ne se différencie pas assez nettement de ses rivales pour qu’on puisse, à son signalement, reconnaître un tableau qui lui appartienne. Trop étroite si on la restreint à la recherche du détail, la définition du préraphaélisme devient trop large si on l’étend à la conquête d’une philosophie nouvelle. Dans un cas, le préraphaélisme n’est pas contenu, dans l’autre, il est contenu avec trop de choses différentes. Si l’on s’en tient à la première, il faut avouer que les préraphaélites ont tous plus ou moins renié leurs convictions esthétiques, et si l’on adopte la seconde, qu’ils n’en avaient pas de très spéciales ni de très marquées.

Ils en avaient cependant. Il faut se rappeler, tout au moins, que cette théorie, étroite et réaliste, n’a jamais été qu’une méthode de formation à l’usage de jeunes peintres de vingt ans, imaginée par eux pour se mettre entre les mains l’outil nécessaire, quitte plus tard à être abandonnée ; un cadre d’études, non un plan de réalisation ; un manuel d’apprentissage, non une bible d’idéal ; un chemin, non un but…
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