« Nettoyage de la maison » (Susuhaki), vers 1797-1799
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Utamaro – Images du monde flottant

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre Utamaro (ISBN: 9781783108619) écrit par Edmond de Goncourt, publié par Parkstone International.

Explorez l’art d’Utamaro dans la première partie.

L’oeuvre d’Utamaro, diverse et nombreuse, s’inscrit dans la tradition japonaise, qu’il interprète toutefois de façon très personnelle. Elle comprend aussi bien des réalisations picturales sous différentes formes [impressions d’un nombre et de dimensions variables, kakémonos*, makimonos*, surimonos* et quelques oeuvres peintes], que des illustrations de livres et albums, imprimés en noir ou en couleurs, dont celles fameuses des shungas*. Ces oeuvres sont, pour l’essentiel, des impressions, selon les techniques traditionnelles japonaises et, plus rarement, des oeuvres peintes.

La peinture japonaise prend traditionnellement trois grandes formes : le kakémono* ou le makimono* ; l’éventail et le dessin pour la gravure, qui a l’apparence d’un dessin de graveur, fait par le maître pour la taille de la gravure en bois. Le dessin, luimême, est toujours à l’encre de Chine, le peintre n’essayant ses colorations que sur quelques épreuves tirées en noir pour lui et ses amis. Il reste quelques exemplaires d’éventails décorés par le maître, dont celui, très artistique, représentant une japonaise en pied, d’un travail cursif, mais d’une grande habileté et d’un grand charme, éventail qui aurait été monté en kakémono*. Il ne reste, en revanche, pas de dessins d’Utamaro exécutés pour la gravure.

Beauté au bouquet d’iris. La Courtisane Hitimoto, Utamaro
Beauté au bouquet d’iris. La Courtisane Hitimoto. Oban, nishiki-e, 37,5 x 25,5 cm. Bibliothèque nationale de France, Paris.

Ce sont surtout les estampes, les kakémonos* et les surimonos* qui témoignent de l’oeuvre du maître. Les kakémonos* sont des oeuvres de grand format, destinées à être pendues aux murs ; les makimonos* sont, eux, des oeuvres de petit format faites pour être prises dans une main ; les surimonos*, enfin, sont des versions luxueuses d’estampes. Toutes ces oeuvres sont exécutées selon une technique d’impression, complexe, élaborée et améliorée au fil de l’histoire de l’estampe japonaise, brillamment utilisée par les artistes de l’Ukiyo-e*, qui en porte la beauté et le raffinement à son paroxysme. À partir de la moitié du dix-huitème siècle, les techniques permettent la production de ces épreuves, en couleur.

L’estampe Ukiyo-e* est comme « la rencontre de deux surfaces merveilleusement disposées l’une sur l’autre, le grain rugueux du bloc en bois de mûrier et le réseau du papier, couvert de petits tentacules végétaux pulsatiles. Sur la première, la couleur peut-être déposée presque sèche, sur la seconde, on peut la transférer avec une délicatesse qui ne laisse qu’une légère trace de coloration flottant sur le bout des fibres. Et des interstices de ces cils imprégnés, c’est toute la quintessence lumineuse du papier qui jaillit de son coeur, diffusant dans le pigment un exquis éclat doré, formant une surface bidimensionnelle animée de vibrations », selon le professeur Fenollosa.

Deux Femmes à leur coiffure (Kami-yui), 1794-1795, Utamaro
Deux Femmes à leur coiffure (Kami-yui), 1794-1795. Oban, nishiki-e, 38 x 25,2 cm. Musée national des Arts asiatiques – Guimet, Paris.

D’un point de vue technique, le procédé de la gravure sur bois sous les apparences d’un art simple, nécessite en réalité un talent avéré. Les étapes de réalisation des impressions, le dessin, la gravure, l’impression et la publication sont séparées et exécutées par des personnes différentes et hautement spécialisées. Ces gravures sont le résultat d’une triple combinaison : d’un papier merveilleusement préparé à base d’écorce de mûrier (Kozo), diluée dans du lait de riz et dans une décoction gélatineuse, tirée des racines de l’hydrangéa et de l’hibiscus ; de pigments, dont l’alchimie secrète n’est connue d’aucun artiste moderne (ainsi, les premières estampes « tat-e » et « beni-e »* (estampe colorée à la main) ne pourront jamais être reproduites) ; et de l’application de ces couleurs par le maître graveur – la main magique de l’orient dont les doigts recèlent les mystères des siècles passés.

Dans la Cuisine (Daidokoro), 1794-1795, Utamaro
Dans la Cuisine (Daidokoro), 1794-1795. Oban, diptyque, nishiki-e avec pigments métalliques et mica, 36,3 x 24,7 cm et 36,3 x 25 cm. Staatliche Museen, Preussischer Kulturbesitz, Museum for Ostasiatische Kunst, Berlin.

Ces étapes sont les suivantes : l’artiste réalise un dessin maître à l’encre sur papier de riz. Il colle ensuite ce dessin face contre un bloc de bois en découpant les zones où le papier est blanc au couteau ou avec de petites gouges, laissant ainsi le dessin inverse en relief sur le bloc, mais détruisant l’oeuvre originale dans le processus. Après avoir encré le bloc gravé, il pose une feuille de papier humide dessus et frotte le dos du papier avec une gomme plate jusqu’au transfert uniforme de l’impression. Le papier utilisé pouvait dans certaines occasions être gaufré (karazuri*), ou mélangé à de la poudre de riz afin de rendre la blancheur du papier plus éclantante (hosho*). Le bois utilisé était le plus souvent le cerisier. On produisait de la sorte des copies quasiment parfaites de l’original. Les formats standards d’un Ukiyo-e* étaient le hosoban*, le öban*, le chu- tanzaku* ou le chu- ban*, mais il est possible de trouver d’autres formats de Ukiyo-e*.

Les estampes colorées d’Utamaro sont, comme l’écrivait Edmond de Goncourt, un « miracle de l’art » où il porte ces impressions à un degré de perfection absolue et définitive. L’influence d’Utamaro, d’Hiroshige et des autres maîtres de l’Ukiyo-e* révolutionna le sens de la couleur du monde de l’art. Son sens aigu de l’observation et sa maîtrise technique sont perceptibles dans ses merveilleuses etudes de femmes. Il fut le premier artiste japonais à s’éloigner du traitement traditionnel des visages. Le style académique voulait que le nez soit suggéré d’un trait aquilin, calligraphique, les yeux par de simples fentes, la bouche par un pétale de fleur recourbé.

« Image énigme » (Ogiya Hanaogi), vers 1795, Utamaro
« Image énigme » (Ogiya Hanaogi), vers 1795. Oban, nishiki-e, 36,4 x 25,2 cm. The New York Public Library, New York.

Utamaro mêle à cette convention, si peu humaine, une grâce mutine, une compréhension spirituelle. Il conserva les lignes consacrées, mais les rapprocha des courbes humaines. Aucun détail anatomique, aucune ligne gracieuse, aucun contour ravissant de ces femmes japonaises allongées ou debout, n’échappaient à son oeil. Ces « effigies de femmes » devinrent de véritables individus ; c’était un idéaliste, qui fit « d’une courtisane une déesse »…

Les œuvres d’art d’Utamaro :

« Nettoyage de la maison » (Susuhaki), vers 1797-1799
« Nettoyage de la maison » (Susuhaki), vers 1797-1799. Oban, pentatyque, nishiki-e. The British Museum, Londres.
« Cerisiers en fleurs dans le Yoshiwara » (Yoshiwara no hana), vers 1793
« Cerisiers en fleurs dans le Yoshiwara » (Yoshiwara no hana), vers 1793. Encre, couleurs et or sur papier, 203,8 x 274,9 cm. Wadsworth Atheneum.
Femme à sa toilette matinale (Chosho bijin zu), vers 1801-1804
Femme à sa toilette matinale (Chosho bijin zu), vers 1801-1804. Encre et couleurs sur soie, 39,4 x 55 cm. The British Museum, Londres.

MotExplication
Kakémonolittéralement « chose pendue » ou « chose qu’on accroche » (de kake : pendu et de mono : chose), rouleau vertical suspendu, avec un poids en bas.
MakimonoDécoration de défilement horizontal mettant en vedette des images ou de la calligraphie.
Surimonoestampe luxueuse commandée par un particulier.
Shungalittéralement « image de printemps », estampe érotique.
Ukiyo-elittéralement « images du monde flottant » (de Uki : celui qui flotte au-dessus, qui surnage ; yo : monde, vie, temps contemporain ; e : image, estampe).
Karazurilittéralement « impression sèche », technique d’impression en relief sans encre, permettant d’obtenir des motifs en gauffrage blanc sur blanc.
Hoshotype de papier opacifié à l’aide de poudre de riz.
Hosobanestampe étroite, environ 33 x 15 cm.
Öban« grande estampe », ses dimensions peuvent aller de 36 x 25 cm à 39 x 27 cm.
Chütanzakuestampe de grand format, environ 39 x 12 cm.
Chübanestampe de format moyen, environ 26 x 19 cm.

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Plus d’informations sur Ukiyo-E, Hiroshige et l’art asiatique, indien et africain ci-dessous :

Crédit pour la vidéo d’introduction : vidéo de retournement de page par CK FreeVideo Templates

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